Le Centre national des archives a abrité, hier, une conférence sur le soutien extérieur à la guerre de Libération nationale, à l'exemple de la Hollande. Présidée par Abdelaziz Belkhadem, SG du parti FLN, cette conférence a vu la participation de haute facture à l'image des intervenants universitaires et cadres centraux du FLN et d'invités de marque. Il est vrai que le thème n'a pas manqué de drainer la curiosité des uns et des autres sur le soutien historique d'un pays dont on ne connaît pas beaucoup de choses dans ce cadre. Mais comme auront à le développer les intervenants, les relations entre les deux pays datent de plus de quatre siècles, à l'époque où la piraterie était légion et la suprématie des mers rimant avec colonisation. M. Abdelaziz Belkhadem, qui a déclaré la conférence ouverte, a justement mis l'accent sur les relations qui ont toujours existé entre l'Algérie et la Hollande, marquées notamment par une série d'accords commerciaux (une dizaine environ) entre 1609 et 1760. “Les relations n'ont, cependant, pas été figées au rang commercial, beaucoup de Hollandais ont, comme en témoignent les archives, exprimé leur opinion favorable à la cause algérienne et au droit des Algériens à assumer leur destin”, fait savoir le SG du FLN et s'appuyant sur un exemple, il désigne Mme Marguerite Koekebakker, ressortissante hollandaise qui a vécu directement la Révolution algérienne en tant qu'actrice. Pour sa part, Son Excellence l'ambassadeur du royaume de Hollande, Jan Gijs Schouten, a tenu à rappeler deux points essentiels de rapprochement des deux pays, à savoir le soutien de l'Algérie à la Hollande en 1522 qui marque la victoire des Pays-Bas sur l'Espagne. Le deuxième point raconte l'histoire de Mamma Binette, une femme hollandaise parmi les neuf autres qui se trouvaient à bord du navire de guerre français “Le Banel”. Ce dernier, qui prit le large en 1802 vers les Caraïbes où le capitaine Flièrese Callamand devait réprimer une révolte à Saint-Domingue, s'est échoué suite à une violente tempête sur la côte de Béni Haoua, près de Ténès. Une partie des survivants est sauvée par des Kabyles et des maures et une autre tuée. Selon la légende, sept, cinq ou quatre femmes avaient été faites prisonnières comme butin de guerre par une tribu locale. Le chef de tribu prit une femme pour lui-même et les autres offertes à divers villages. La plus âgée était particulièrement chère à la population locale et au chef de son village qui l'épousa après sa conversion à l'islam. Après sa mort, cette femme a été vénérée comme un marabout et on l'a désormais appelée “Mamma Binette” ou Oum Binette (mère des filles). Sa dalle funéraire se trouve dans le mausolée de Mamma Binette sur la côte des Souahlia. L'ambassadeur fera savoir que le peuple néerlandais a toujours été contre la colonisation de l'Algérie. “Les relations bilatérales sont souhaitées des deux côtés. Nous avons beaucoup de savoir-faire dans le domaine de l'hydraulique et de l'énergie et que nous souhaitons offrir à l'Algérie, dans le cadre d'un partenariat entre les deux pays.” La guerre d'Algérie vue par un écrivain Nicolas Pas est un enseignant universitaire en Hollande. Il est l'auteur de La guerre d'Algérie vue des Pays-Bas, un livre qu'il a présenté à l'occasion de cette conférence. Pour lui, le soutien à la cause algérienne s'articule autour de trois points : l'information ou le soutien par la plume, le soutien clandestin, et enfin le soutien humanitaire. En préambule, il fera remarquer que la politique de la Hollande avant 1956 vis-à-vis de la guerre d'Algérie était profrançaise, s'appuyant pour cela sur une motion de l'ONU, recommandant après la Seconde Guerre mondiale que les pays sous colonisation étaient soumis à la protection des pays qui les gouvernent. “Peu à peu des journalistes hollandais qui visitaient l'Algérie étaient au contact d'une autre réalité. La presse hollandaise commençait à travers des écrits acerbes à irriter le gouvernement français dont l'ambassadeur à Paris était souvent convoqué. On proposait même des visites encadrées en Algérie. Il faut dire que l'opinion publique en Hollande, qui voyait en la France une référence, commençait à changer d'avis. La guerre d'Algérie déclenche un réflexe d'indignation. Au cours des années, une coalition de progressistes se prononce sur la guerre. De là est née ce qu'on appelait l'Action pour l'information sur l'Algérie (AIA), un comité composé de plusieurs générations de progressistes. L'AIA puisait des informations de la presse française et celle du FLN. Entre-temps, plusieurs livres furent traduits en hollandais afin de faire connaître la cause algérienne. On parlait de guerre d'Algérie et du droit des Algériens à disposer d'eux-mêmes. Quant au soutien clandestin, il est encouragé par des trosskistes qui, dès 1960, constituent un réseau de fabrication d'armes au Maroc, un laboratoire de falsification de pièces d'identité et un atelier de fabrication de fausse monnaie en Allemagne. Après l'arrestation du réseau de faux monnayeurs par la police allemande, plusieurs manifestations de rue sont déclenchées en Hollande, devant le consulat de France. S'agissant du soutien humanitaire, il faut rappeler que la Hollande a toujours répondu présent. Plusieurs reportages ont été réalisés également pour attirer l'attention de l'opinion publique sur les conditions pitoyables dans lesquelles vivaient les Algériens au Maroc et en Tunisie durant la guerre de Libération. Un court métrage réalisé en 1959 sous le titre Sauvez un enfant a déclenché une grande campagne de solidarité. La même année, un gala télévisé est montré en direct. Ce film a récolté plus de 2 millions de florins à l'époque, ce qui était une très grosse somme.” marguerite et les cinq du FLN Marguerite Koekebakker, jeune étudiante hollandaise, se trouve dans le cadre de ses études à Bouira (Algérie) où elle vit de près les conditions atroces de la population locale. On est en 1961, cette jeune fille issue d'une famille qui a très tôt épousé la cause algérienne, fait la différence entre la propagande colonialiste et la réalité totalement différente d'un peuple spolié de ses droits les plus élémentaires. De retour en Hollande, elle écrit un article sur la situation douloureuse de ce peuple. Cependant, le fait le plus marquant pour elle, c'est son histoire avec l'évasion des cinq héros du FLN dont Ben Bella et Aït Ahmed emprisonnés depuis 1956 au château de Turkan. Elle s'est trouvée engagée dans la préparation, sous la direction du FLN en France, de l'évasion des cinq responsables politiques. Une évasion qui a échoué malheureusement comme celle de la fabrication de la “vraie fausse monnaie” en Allemagne, pour reprendre l'expression de Ali Haroun. Ce dernier, une véritable bibliothèque de la Fédération FLN de France, a rappelé que si tous les pays qui entourent l'Hexagone ont aidé l'Algérie, la contribution de la Hollande, plus éloignée, est beaucoup plus importante qu'on ne le pense. Il faut rappeler que Mme Koekebakker, l'écrivain Nicolas Pas et l'ambassadeur de Hollande ont été honorés lors de cette conférence.