La dernière intervention de Ben Laden est considérée, selon des experts, comme étant “une mise en perspective des actions de l'Aqmi depuis 2006.” Ben Laden vient ainsi de légitimer l'organisation de Droukdel pour la première fois depuis son allégeance à Al-Qaïda en 2006 et aussi les enlèvements des étrangers sauf que le chef d'Al-Qaïda considère ces otages comme “prisonniers de guerre”. Mathieu Guidère, spécialiste du monde musulman et professeur à l'université de Genève, l'auteur Des Nouveaux Terroristes a expliqué que c'est la première fois que Ben Laden s'adresse à un peuple autre que le peuple américain. Pour lui, il change de cible. “Ce message n'est pas seulement un avertissement à la France, c'est aussi une mise en perspective des actions d'Al-Qaïda Maghreb depuis 2006 qui multiplie les opérations contre les armées algérienne et mauritanienne, les enlèvements d'otages occidentaux, la contrebande et le trafic en tout genre”. Des actions qui n'avaient pas de stratégie. Alors il fallait que le chef d'Al-Qaïda intervienne, estime le spécialiste qui précise dans un entretien publié dans Le journal du Dimanche (JDD) que Ben Laden a adopté Abou Zeïd, qui pourrait être le futur chef d'Aqmi si Droukdel, le chef actuel, venait à décéder et il légitime aussi l'enlèvement comme forme honorable de jihad. ”Ce qu'il n'avait jamais fait jusque-là”, fait-il remarquer. Ben Laden n'a certes plus de camp d'entraînement, plus de troupes sous son autorité après les défaites en Irak et en Afghanistan. “Mais il est vivant et très bien informé : ces deux derniers mois, il a diffusé trois messages liés à l'actualité”. L'expert souligne un point important du message de Ben Laden qui place la France au premier plan. “Grâce à Ben Laden, les jihadistes qui ne savaient pas sur quel ennemi il fallait se concentrer d'ici à Noël le savent aujourd'hui”. Il explique que depuis ses débuts, le terrorisme déployé par Al-Qaïda est spectaculaire et symbolique. Spectaculaire avec des attentats suicide ou simultanés. Symbolique par les lieux ou les dates choisis. Noël en est une. Pour la question des otages, Mathieu Guielea reste optimiste. “Ben Laden consacre la moitié de son court message aux otages. Et les mots sont soigneusement choisis. Dans la revendication officielle d'Aqmi, c'est le terme arabe voulant précisément dire “otage” qui est utilisé. Ben Laden emploie, lui, un terme très technique et juridique qui signifie “prisonnier de guerre”. Il incite donc, selon lui, l'Aqmi à traiter les otages comme tels. Mais cela n'empêche que les négociations seront difficiles et longues tout en déclarant : “J'ai tendance à penser que cela va rallonger les délais de négociation mais pas nécessairement les compliquer”. L'expert suisse estime qu'on peut imaginer un échange de prisonniers. Si l'échange n'est pas possible, on donne une valeur à ces derniers. Il n'écarte pas la libération de l'otage française femme. “Si on missionne des négociateurs sérieux, qui savent se référer à ce cadre et l'exploiter de façon correcte, Françoise Larribe devrait être libérée, en particulier s'ils mettent en avant le fait qu'elle est malade.”