Liberté : Pouvez-vous nous évaluer la situation des handicapés en Algérie ? Azouz Abdelkader : La situation sociale des handicapés en Algérie est peu reluisante. Les handicapés n'ont pas accès à l'emploi et l'éducation est insuffisante en raison du manque d'établissements spécialisés. Le plus grave est que l'environnement n'est pas adapté à leur handicap, la politique de l'Etat au profit de cette catégorie n'est pas suffisante et les lois promulguées ne sont pas toujours appliquées en réalité. Pour une réelle insertion dans la société, beaucoup reste à faire. La situation des handicapés ne s'est jamais améliorée ; au contraire, elle régresse. Qu'en est-il des droits de ces handicapés ? Certes, on parle beaucoup des droits des handicapés à l'occasion de la Journée nationale des handicapés coïncidant avec le 14 mars ou encore la Journée mondiale (3 décembre), mais, une fois ces dates passées, on les oublie. Il faudrait que les pouvoirs publics prennent à bras-le-corps l'intérêt des handicapés et faire en sorte pour que les lois concernant cette catégorie soient réellement appliquées et concrétisées. Il faut un suivi, un contrôle pour tous les projets et les budgets alloués à leur intégration sociale, professionnelle et éducative. Nous ne cesserons pas de dire que la situation sociale des personnes handicapées en Algérie est lamentable. Il est vrai que des lois existent, mais en réalité, il n'y a rien sur tous les plans. Il n'y a pas de véritable prise en charge concernant leur insertion scolaire, professionnelle et n'ont même pas d'auxiliaire de vie (technicien d'insertion). C'est beaucoup plus une politique de bricolage et des actions ponctuelles pour faire croire à l'opinion publique qu'il existe un programme en leur faveur. Ils vivent avec une pension de 3 000 DA. Je ne voudrais pas polémiquer, mais la réalité est tout autre, un marasme total. Il est plus que nécessaire qu'il y ait des structures et des organes de prise en charge qui prévoient une somme d'actions complémentaires telles que les anneaux indissociables d'une chaîne. Lorsqu'un élément de cette dernière est rompu, ou n'existe pas, tout l'édifice, qu'est l'inclusion, s'écroule. Le mouvement associatif ne peut pallier au manque flagrant des structures d'accueil, ou mettre en chantier un programme global et planifié par manque de moyens matériel et financier. La prise en charge des handicapés est l'affaire de tous les secteurs et non le monopole d'un seul ministère. Les décideurs n'ont jamais demandé l'avis des acteurs qui sont les associations. Nous ne pouvons pas évaluer la situation exacte, ni le nombre de ces personnes parce qu'il n'y a pas de prise en charge réelle. Il est important, aujourd'hui, de trouver des solutions. D'abord, nous devons identifier les problèmes et les priorités, organiser des assises et créer des espaces de discussion avec les acteurs et les pouvoirs publics. Quel est votre avis sur le mouvement associatif de cette frange de la population ? Pour qu'il y ait une prise en charge concrète et effective des personnes handicapées, il faudrait absolument que les associations regroupant ce type de population (aveugles, handicapés moteurs, sourds, inadaptés) accordent leurs violons et parlent le même langage, car l'objectif est que ces personnes aient les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres citoyens dits valides. On dit bien que l'union fait la force. Chaque association peut contribuer efficacement en apportant son expérience et des idées nouvelles susceptibles d'améliorer les conditions de vie de cette catégorie sociale qui demeure marginalisée, car il y a énormément de travail à faire pour s'affirmer avec une information continuelle, des regroupements, des séminaires et des échanges en mettant de côté les problèmes de personnes et les conflits qui ne peuvent que freiner l'activité et mettre des bâtons dans les roues. Il existe des potentialités, il faut les exploiter. Quelles sont les solutions pour améliorer et prendre en charge les problèmes de ces handicapés ? Il est important d'élaborer un plan d'action à moyen terme et de redynamiser le Conseil national consultatif des personnes handicapées, en veillant à ce que les recommandations issues des travaux de commission soient suivies d'effet (rôle du mouvement associatif). Il faut la création d'une entente entre les associations de personnes handicapées, la réservation d'une rubrique au niveau de la revue Vouloir pour chaque type de handicap (info), un travail de coordination interassociations. Il faut aussi des propositions de mesures incitatives susceptibles de faciliter le placement des personnes handicapées, la création de réseau pour l'emploi des personnes handicapées avec différents acteurs, à savoir, l'Anem, le ministère du Travail, la Cnac, la Sonaaph, l'Ansej, les établissements spécialisés, le ministère de la Solidarité nationale et les centres nationaux. Il est également important de faire participer ces handicapés aux différents dispositifs microcrédits Angem et l'élaboration d'une nomenclature de postes susceptibles d'être occupés par les personnes handicapées.