Raouraoua et Hannachi sont convaincus d'avoir embarqué l'opinion nationale dans une controverse décisive. Le football, opium populaire, capte malgré la médiocrité et la violence, l'attention et le porte-monnaie d'une jeunesse avide de défouloirs. Alors, les personnages qui dirigent ce lucratif déversoir des frustrations juvéniles se prennent pour les animateurs de notre sportif bonheur. Depuis quelques semaines, les présidents de la FAF et de la JSK nous livrent, par fragments, les éléments de leur dispute, chacun à son tour nous prenant à témoin de l'anéantissement à venir de son adversaire. Le spectacle affligeant qui a entouré la rencontre entre les équipes de Bordj Bou-Arréridj et Belouizdad et celles de Chlef et Oran n'a pas suffi à les rappeler à plus de mesures. Malgré le morne paysage footballistique sur lequel ils règnent, ils continuent à solliciter notre attention sur leur épique et médiatique confrontation. Les termes de la polémique sont à la hauteur de l'œuvre sportive qu'ils concourent à produire : il n'y est question que d'argent, de manœuvres et d'ambitions individuelles. On remarquera qu'au commencement il y eut une histoire d'avion spécial qui s'avéra payant. Et qu'il est question de cession de la JSK et de siège électif confédéral… Même la passagère retenue de Hannachi, nous la devons, de son propre aveu, à l'intervention du directeur du principal sponsor de la Fédération et des clubs nationaux. Comme quoi l'argument financier est parfois bien plus convaincant que l'idéal sportif. Pendant que le président de la Fédération nationale et celui d'un club phare continuent à chauffer la salle en attendant l'audience à laquelle ils nous invitent, les terrains de football sont les théâtres de prestations de basses factures souvent ponctuées de furieux déchaînements de violence. On le voit : ce n'est pas parce qu'on passe au professionnalisme qu'on joue mieux et plus fair-play ! L'ancien mode de gestion des affaires de clubs est peut-être déstabilisé par une réforme qui touche plus au budget qu'à la culture des clubs. Parce que cette réforme ne renouvelle que les sources de financement, la manière de gérer les clubs change, mais pas la manière de gérer leur activité sportive. Ce qui explique l'agitation nerveuse des castes dirigeantes en place et la persistance du déficit moral et technique qu'on observe dans nos stades. Pendant que deux notables du football national se chamaillent et se préparent à la confrontation judiciaire, l'entraîneur de l'équipe nationale continue à aller à la pêche de professionnels européens d'origine algérienne pour compléter son “onze”. C'est peut-être cela, le nouvel esprit sportif national, cet esprit de Oumdurman que le coach appelle encore de ses vœux en dépit de la faiblesse de son championnat, voire à cause de cette faiblesse, il faut tout faire pour que cette équipe nationale gagne. Car en dépit de sa faiblesse, voire à cause de cette faiblesse, il y a encore des affaires à faire autour du championnat national. M. H. [email protected]