Me Farouk Ksentini s'apprête à remettre, en décembre prochain, son rapport annuel sur la situation des droits de l'homme en Algérie au président de la République Bouteflika. Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH) a révélé, dans un entretien à Liberté, les points forts de ce rapport qui vient d'être finalisé, ainsi que les recommandations incluses. Ainsi, le président de la République devra être saisi sur l'annulation de l'emprisonnement des harragas et des journalistes, l'abolition de la peine de mort, la révision du code de la famille et la prise en charge des “oubliés de la réconciliation nationale”. Le rapport a plaidé aussi pour “une justice de qualité” et une garantie des droits sociaux. Me Farouk Ksentini s'oppose aux condamnations à la prison des harragas qu'il a qualifiées “d'inadmissibles”, d'autant que le phénomène tient son origine du chômage et des problèmes sociaux. “On ne peut pas envoyer en prison des jeunes qui ont décidé de quitter le pays sans autorisation.” En revanche, il appelle à l'allégement des peines en une amende symbolique, mais la solution réside, selon lui, dans “le traitement du phénomène dans un cadre social et non judiciaire”. L'autre point mentionné dans le rapport, c'est justement les droits sociaux. Il sera donc demandé officiellement au président de la République, à travers le rapport, la prise en charge de ces questions importantes. “Les Algériens ont droit au logement, au travail, à la santé et à la scolarisation.” Le rapport annuel critique, dans son volet social, le fait que des Algériens résident encore dans des gourbis dans des conditions précaires ; leurs droits doivent être assurés, d'autant que “les causes de la crise vécue dans les années 1990 existent toujours et peuvent avoir les mêmes effets”. Tout comme il inclut notamment un appel à la dépénalisation du délit de presse et la suppression de la peine d'emprisonnement des journalistes. “Nos prisons ne sont pas faites pour les journalistes”, une amende suffira pour une diffamation ou insulte. “Les journalistes doivent jouir d'une totale liberté d'expression dans l'exercice de leur profession.” Le président du CNCPPDH recommande aussi la prise en charge des “oubliés” de la réconciliation nationale. Il s'agit “des déportés du Sud, des citoyens victimes des dégâts matériels lors de la décennie noire et qui n'ont pas été dédommagés, et aussi des Patriotes”. Ces recommandations s'inscrivent dans la philosophie de la réconciliation nationale qui ne peut écarter une catégorie du fait que ces derniers ont subi “des préjudices” et qu'il est “légitime de les indemniser”, a expliqué notre interlocuteur. Quant au volet de la réforme de la justice, Me Ksentini estime qu'il y a une amélioration avancée dans les prisons concernant les modifications des textes. “Il faut attendre une à deux années pour faire un jugement adéquat, il nous faut du temps pour évaluer l'application de ces textes.” Toutefois, concernant les magistrats, il appelle à une formation très poussée et sérieuse pour qu'ils aient un bagage juridique afin de pouvoir juger correctement. Me Ksentini plaide dans son rapport pour “une justice de qualité”, d'autant que la justice n'est pas une industrie, “c'est un travail difficile de juger une femme ou un homme”, précise-t-il. Le rapport de la commission de Ksentini revient en détail sur la peine capitale. “Des dizaines de condamnés à la peine capitale croupissent, depuis des années, dans le couloir de la mort, surtout que la peine capitale est contraire aux conventions des droits de l'homme ratifiées par l'Algérie et n'est plus appliquée depuis 1993.” Il demande l'ouverture d'un débat sur la peine de mort. “Nous nous penchons beaucoup sur cette question.” Me Ksentini a également assuré que la commission inclut une recommandation pour une révision du code de la famille “qui ne protège pas suffisamment la femme, l'épouse et aussi les mineurs”.