Cette fois-ci, ses “camarades” d'hier lui font emprunter la voie du déshonneur “Je suis un nationaliste et je lutterai pour l'indépendance de l'Algérie avec tous les moyens.” Cette phrase est de Abane Ramdane. Elle a été citée par l'avocat des héritiers de ce héros de la Révolution lors du procès intenté contre M. Ali Kafi. Me Bentoumi a eu cette formidable réaction : “S'il (Abane, ndlr) était traître, il avait là une chance de le montrer à la France, en donnant le lieu et la date du congrès (de La Soummam), ce qui aurait été fatal à la Révolution car tous les responsables des wilayas étaient présents.” Si donc le martyr revient cette semaine, c'est parce que sa mémoire a été exhumée dans la souillure par un ancien “compagnon” de lutte, un ancien président de la République. M. Ahmed Ben Bella, à l'instar de M. Kafi, a su montrer de la rancœur à l'encontre de Abane Ramdane. Dans son entretien avec la chaîne de télévision qatarie Al-Djazira, M. Ben Bella l'accuse de trahison et d'intelligence avec l'ennemi. Selon lui, Abane aurait eu des contacts secrets avec la direction coloniale en vue de saboter le processus de la Révolution. Il juge même le congrès de La Soummam, auquel il n'a pas assisté, contraire aux principes arabo-islamiques de la Guerre de libération. Me Bentoumi n'a pas tort de dire que Abane ne pouvait pas être un traître. Avec ses compagnons, il avait pensé la Révolution à la mesure des aspirations et de la détermination du peuple algérien. À travers le congrès de La Soummam, la guerre a évolué selon une stratégie qui a donné ses fruits quelques années plus tard. S'il était traître, il n'aurait effectivement pas hésité à balancer l'ensemble des responsables de la Révolution ; ceux-ci auraient été pris comme des lapins dans leurs cachettes et l'indépendance serait renvoyée aux calendes grecques. L'Histoire a glorifié Abane. Mais pas uniquement lui. “Comme tous les grands personnages de l'Histoire, Abane a eu ses détracteurs ; qualifiés par eux tantôt de “régionaliste” hostile à “l'arabo-islamisme”, tantôt “d'autoritariste”, voilà qu'on va aujourd'hui jusqu'à lui accoler l'imputation infamante “d'agent de l'ennemi” donc de traître.” Cette conclusion est de Benyoucef Benkhedda, successeur de Ferhat Abbas à la tête du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). N‘est-ce pas le plus beau des hommages ? L. B.