C'est le verdict de la Conférence de l'ONU sur le commerce et le développement (Cnuced ), celle-là même qui avait encensé la mondialisation, argumentant que le marché mondial allait faire reculer la pauvreté. Le constat établi dans son dernier rapport est édifiant : le club de pays les plus pauvres sur la planète s'est élargi depuis les années 1980. “Le nombre de personnes qui vivent en dessous du seuil de la pauvreté a doublé”, a annoncé le secrétaire général de la Cnuced, Supachai Panitchpakdi, démystifiant, du coup, les louanges et promesses bienfaitrices que devaient entraîner la mondialisation, synonyme, aux yeux de ses concepteurs, de diffuseur de progrès et de modernité. Un miroir aux alouettes. Une cinquantaine de pays sont toujours caractérisés comme les moins avancés du monde. Mais, pour le numéro un de la Cnuced, il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau, c'est le modèle de croissance appliqué à ces pays qui a mal fonctionné et qu'il faut revoir. C'est à perdre son latin, les statistiques internationales étaient fermes : avec une croissance de développement moyenne de 7%, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté augmentait de 3 millions par an entre 2002 et 2007. L'ONU, qui n'est pas à un revirement près, appelle donc à une nouvelle architecture internationale du développement qui impliquerait plus ces pays dans la gouvernance mondiale, tout en leur assurant une plus grande assistance financière. La Banque mondiale (BM) n'en dit pas plus. Cette année, le nombre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour augmentera de 64 millions, leur nombre ayant déjà subi une hausse de 40 millions l'année passée, a déclaré, de son côté, son président, Robert Zoellick, lors du sommet de l'Onu consacré aux Objectifs du Millénaire (OMD), en marge de la dernière AG des Nations unies. Le triple coup porté en 2008 par les crises énergétique, alimentaire et financière a ralenti, voire même inversé dans plusieurs pays la progression vers les OMD. La BM a alerté : 1 ,5 million d'enfants risque de mourir avant d'atteindre l'âge de 5 ans d'ici 2015. Pourtant, entre 1990 et 2005, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté extrême s'était réduit de 400 millions pour atteindre le chiffre de 1,4 milliard. La tendance s'est inversée, la pauvreté a repris depuis 2008. Les experts américains chiffrent à 1,7 milliard les personnes vivant dans une pauvreté extrême en 2009. D'après l'Onu, toute personne gagnant par jour un dollar ou moins est considérée comme vivant dans la pauvreté extrême ou la misère. Le SG de l'Onu a fini par reconnaître l'échec de l'OMD, un large programme conceptuel contre la pauvreté, auquel se sont engagés les dirigeants mondiaux en 2000. Ban Ki-moon impute cet échec au manque de volonté politique de la part de pays donateurs, constatant leur peu d'emballement à la réalisation des programmes de développement et aux augmentations des aides internationales. L'Onu, rappelle-t-on, n'a pas jugé nécessaire de réviser les OMD, se contentant de reporter l'échéance 2015 à une date ultérieure, non fixée cette fois. En 2000, il a été prévu de réduire de moitié la pauvreté en 15 années. Ban Ki-moon est pessimiste : après 2015, les malades du paludisme, de la tuberculose et du VIH/sida seront toujours nombreux. Des millions de personnes continueront à endurer des pénuries d'eau potable, n'auront qu'un accès restreint à l'eau ou seront privées d'énergie. L'échec est à mettre sur le dos de pays nantis qui avaient promis des contributions aux programmes le lutte contre la pauvreté, mais dont les aides n'ont toujours pas été allouées. En commençant par le sommet du G8 à Glenn Eagles, en 2005, et en passant par les sommets suivants du G8 et du G20, les pays les moins développés ont entendu beaucoup de promesses mais elles n'ont pas toutes été tenues, a déclaré Ban Ki-moon en personne qui a enjoint ces pays à respecter leurs engagements. Dans sa “nouvelle architecture internationale du développement”, c'est le titre du rapport 2010 sur la lutte contre la pauvreté de la Cnuced, il est préconisé la mise en œuvre d'une nouvelle stratégie de développement, plus rapide, et l'amélioration de la gestion de l'aide internationale. En clair, les pays pauvres devront mettre l'accent sur leurs propres capacités productives, le développement de leurs infrastructures, l'amélioration de la production dans le secteur agricole. Bref, développer les capacités endogènes de chaque Etat. Mais comment régler la question de la volatilité des prix des matières premières qui constitue un véritable frein au développement des PMA ? Les prix fixés toujours par les acheteurs dans l'économie mondialisée, les pays pourvoyeurs de matières premières n'ont pratiquement pas de marge de manœuvre pour utiliser leurs propres ressources minières afin d'accélérer leur développement.