En dépit de toutes les manœuvres du Maroc d'atténuer sa responsabilité directe aux yeux de la communauté internationale dans le démantèlement par la force du camp érigé par les civils sahraouis à Gdeim-Izik, à une dizaine de kilomètres d'EL-Ayoune, qui s'est soldé par plusieurs morts et des centaines de blessés et d'arrestations parmi les contestataires de l'occupation marocaine, les condamnations et les appels à une enquête indépendante se multiplient. En effet, malgré la diffusion d'un montage vidéo où les civils sahraouis étaient montrés comme les agresseurs et les soldats marocains devenaient victimes ( !?!), et la récente nomination d'un dissident du Front Polisario, Khalil Dkhil, en qualité de nouveau wali à El-Ayoune, et celle d'un autre Sahraoui, Ahmed Ould Souillem, comme ambassadeur du Maroc à Madrid, Rabat fait toujours l'objet de sollicitations pour ouvrir une “enquête indépendante” sur ces violences. Pas plus tard que vendredi, la puissante ONG Human Rights Watch (HRW) a demandé au Maroc d'ouvrir une enquête sur des “violences et mauvais traitements” qui, selon elle, auraient été infligés par les forces marocaines à des détenus après le démantèlement, le 8 novembre à El-Ayoune, au Sahara occidental, d'un camp de quelque 15 000 contestataires. Dans un communiqué rendu public, HRW écrit que “les forces de l'ordre ont brutalisé et de manière régulière des personnes arrêtées. Les autorités (marocaines) doivent immédiatement mettre fin aux violences contre des prisonniers et ouvrir une enquête indépendante”. Selon Mme Sarah Leah Whitson, chargée de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord auprès de HRW, environ 6 500 tentes ont été érigées par les Sahraouis, début octobre, à Gdeim-Izik, pour protester contre leurs conditions sociales et économiques, et de “violents affrontements” ont éclaté entre les forces marocaines et les civils sahraouis suite à l'assaut militaire du Maroc. Suite à ces affrontements violents pour lesquels HRW relève la “disproportion” des moyens dont ont fait usage les deux parties, avec une “suprématie des forces marocaines contre des Sahraouis désarmés”, et d'ajouter que les forces marocaines, ainsi que des civils marocains, ont mené des “attaques de représailles” contre les civils sahraouis et leurs lieux d'habitation, tout en empêchant les Sahraouis blessés de bénéficier de soins. Bien qu'estimant que les autorités “ont le droit de faire usage d'une force proportionnée pour éviter la violence et protéger les vies humaines”, HRW juge que “rien ne peut justifier de battre des prisonniers jusqu'à évanouissement”. Pour Human Rights Watch, “un tel comportement et les violences exercées contre des Sahraouis lors des gardes à vue ne pourraient être considérés comme actes légitimes pour prévenir ou arrêter des manifestants qui ont eu recours à des jets de pierres”. Tout en mettant en exergue l'accord des autorités marocaines l'autorisant à enquêter sur les lieux après deux refus, HRW affirme avoir interviewé sept personnes arrêtées après les événements du 8 novembre, et libérées depuis. Dans un rapport, l'ONG précise que “toutes ont affirmé avoir été brutalisées jusqu'à l'évanouissement, aspergées d'urine et menacées de viol”, et souligne que “des blessures et des traces de coups sur les visages de certaines victimes indiquent qu'elles ont été brutalisées”. HRW rapporte que “plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées et près d'une centaine sont toujours incarcérées”. À propos de l'accès restreint à l'information, cette organisation note qu'après le démantèlement du camp, les autorités marocaines ont “limité les accès” à El-Ayoune, “permettant à peu de journalistes ou de représentants d'organisations non gouvernementales de rejoindre cette ville, dont un grand nombre a été refoulé”.