Même si les principales dispositions de la loi de finances 2011 sont globalement la reproduction de celles de la loi de finances précédente, il y a, cependant, dans cette démarche quelques nouveautés introduites et surtout un certain nombre d'enseignements à en tirer. D'abord, on peut se poser la question de savoir si la reconduction des hypothèses sur les paramètres de cadrage reste toujours légitime au plan économique et financier : 4% de taux de croissance (6% hors hydrocarbures), 3,5% de taux d'inflation et montant des recettes fiscales d'hydrocarbures calculées sur la base d'un prix du baril à 37 dollars. Malgré l'optimisme relatif de ces hypothèses, on peut considérer que pour les deux premiers paramètres, les résultats de l'exercice précédent valident pour l'essentiel leur reconduction. S'agissant du maintien de 37 dollars le baril comme base de calcul de la fiscalité pétrolière, il s'agit tout simplement de la mise en œuvre du principe de précaution : la gestion “en bon père de famille”. En effet, on ne dépense que la moitié des recettes fiscales hydrocarbures et on place l'autre moitié dans le Fonds de régulation des recettes (FRR), puisque la moyenne des prix du baril de pétrole brut a été, en 2009, autour de 74 dollars. Du reste, cette situation simulée a été vécue par l'Algérie en 2008 et 2009. Les incertitudes actuelles sur une reprise significative et durable de la croissance aux Etats-Unis et surtout en Europe devraient nous engager à envisager les scénarios les plus pessimistes. La partie n'est pas définitivement gagnée, ni pour le reste du monde ni pour nous. Il ne faut pas ainsi masquer une inquiétude qui devient, désormais, récurrente chez nous. Il s'agit, partant des hypothèses indiquées plus haut et admises par tous, du déficit budgétaire d'un montant de 3 355 milliards de DA, représentant 28% du produit intérieur brut (PIB). De plus, les recettes budgétaires affichées de 2 992 milliards de DA ne couvrent même plus le budget de fonctionnement qui s'élève à 3 434 milliards de DA. Certains vous diront que nous jouons seulement à nous faire peur du fait que ce déficit affiché n'en est pas un réellement puisqu'il est absorbé par le FRR. En vérité, ce n'est pas aussi simple car les ressources du FRR financent également, me semble-t-il, une partie du budget d'investissement et qu'à ce rythme, les ponctions opérées annuellement risqueraient d'être supérieures dans quelques années à celles des apports. Dans tous les cas, il y a lieu de procéder à des simulations sur la durée de vie du FRR, comme il est procédé ailleurs à des mises à jour sur la durée de vie des réserves d'hydrocarbures en fonction des découvertes nouvelles et des productions consommées et exportées. C'est, notamment, pour cette raison qu'il faudra examiner avec beaucoup d'attention le premier projet de loi de règlement budgétaire 2008 qui accompagnera la loi de finances 2011. Cet outil, qui consiste en un rapprochement entre prévision et réalisation, constituera un outil efficace, non seulement de correction de certaines dépenses budgétaires, mais d'anticipation pour les lois de finances à venir. La mise en œuvre des autres instruments et mécanismes de rationalisation de la dépense publique initiés par le secteur des finances contribuera à réduire également la dérive des coûts des investissements publics et leurs réévaluations successives. En vérité, les solutions stratégiques durables ne viendront que d'une croissance soutenue des secteurs productifs hors hydrocarbures, même si celui des hydrocarbures restera pour quelque temps encore la seule variable d'ajustement de l'économie algérienne. C'est pour cela que j'ai relevé avec beaucoup d'intérêt les mesures additionnelles prises en faveur de l'économie réelle. D'abord, il n'y a pas de charges fiscales supplémentaires ou d'augmentation de ces dernières pour le secteur réel et les ménages. On peut relever ensuite, s'agissant des secteurs productifs, quelques dispositions particulières pour les activités de production de lait cru qui seront exonérées de l'IRG et de l'IBS et celles des chantiers de construction navale dont la TVA est portée à 7% seulement, au même titre que celles des importations d'aliments d'élevage aquacole. Dans le même ordre d'idées, on trouve un appui prononcé et une incitation forte aux exportations hors hydrocarbures dans les exonérations de l'IBS pour les opérations génératrices de devises (exportations, activités locales). Je souhaiterais conclure en rappelant les conditions actuelles de traitement de leur déficit budgétaire par les pays européens concernés. N'ayant plus de marge de manœuvre en matière de pression fiscale et soucieux d'obtenir ou de maintenir l'appréciation positive des marchés financiers, ces derniers n'hésitent pas à tailler là où cela fait mal : réduction des services publics, gel des salaires de la fonction publique, par exemple. En Algérie, nous avons déjà donné, car le programme d'ajustement structurel (PAS) est passé par là. Mais prenons garde, rationalisons nos dépenses publiques pour n'avoir plus à nous retrouver de nouveau dans une situation identique. Dans le monde d'aujourd'hui, rien n'est définitivement acquis pour personne.