“Le 3 décembre passe et repasse, mais notre situation recule sans cesse”, a récemment lancé Mohamed Lahouali, président de l'Union des aveugles de la wilaya d'Oran. Ce cri du cœur laconique et concis renseigne sur l'ampleur de la situation matérielle, financière, sociale et économique difficilement vécue par cette couche de la société qui aspire à vivre décemment. Selon le responsable local, la situation se complique de plus en plus pour cette frange fragilisée de la société. Avec la suppression de la gratuité du transport sur les chemins de fer, en 2009, et le licenciement par la seule entreprise de fabrication des brosses de 80 ouvriers aveugles, la situation est devenue intenable. “L'année 2010 a été fatale pour les 80 ouvriers aveugles suite à la fermeture de l'atelier des brosses qui activait depuis 1963 au profit des non-voyants où ils gagnaient leur vie à la sueur de leur front”, déplore le président de l'Union des aveugles de la wilaya d'Oran (UAWO). C'est l'Organisation nationale des aveugles qui gérait l'entreprise, sans oublier la convention de 1991 signée avec le ministère de la Solidarité nationale. Il affirme, par ailleurs, que “les ouvriers attendent toujours leurs 7 mois de salaires, leurs primes, leurs allocations familiales et leurs congés non payés”. Le pouvoir d'achat se creuse davantage quand on sait que 4 600 sur 5 000 non-voyants perçoivent une pension mensuelle de 3 000 DA. Le taux de chômage frôle les 90% chez cette frange de la société. Même les universitaires ne sont pas épargnés : “Nous avons 17 universitaires qui, malgré leurs diplômes, n'arrivent toujours pas à trouver un emploi parce qu'ils sont aveugles”, s'indigne notre interlocuteur. Les efforts des personnes handicapées ne sont jamais récompensés à leur juste valeur. La pension de 3 000 DA par mois est une goutte versée dans un océan de besoins. Des dizaines d'aveugles attendent depuis quatre ans leur pension, un état de fait causé par l'insuffisance des quotas octroyés par la direction de l'Action sociale (DAS) et le calvaire du renouvellement du dossier chaque année. Plus grave encore, le président de l'UAWO affirme que la DAS ne verse pas les cotisations à la Cnas. “Du coup, nous n'avons pas de couverture sociale. L'aveugle doit payer de sa poche ses médicaments”, insiste lourdement le responsable local. À propos de l'acquisition d'un logement décent, notre interlocuteur fut surpris par notre question. “Je vous avoue que des non-voyants vivent dans des bidonvilles et n'ont aucun privilège. Ils déposent un dossier comme tout le monde et ils attendent”, affirme encore Mohamed Lahouali. Concernant la prise en charge éducative, les moyens pédagogiques spécifiques aux non-voyants manquent cruellement. L'école régionale spécialisée d'Oran assure la formation à seulement 36 enfants non voyants (primaire) et 48 autres pour le palier du moyen. Pour le secondaire, les enfants scolarisés préfèrent les lycées classiques pour leur équilibre dans la société, explique-t-on. Dans un autre registre, les membres des différents bureaux de daïra de l'UAWO que nous avons rencontrés convergent dans leurs idées pour dire que le problème des locaux nécessaires à leurs activités mérite une attention particulière de la part des élus. “Venez visitez notre siège de l'UA de la wilaya d'Oran, situé en plein centre-ville d'Oran et qui se trouve dans un état lamentable, vous comprendrez mieux le problème des adhérents”, déclare le président de l'Union des aveugles. “Ils pensent qu'on ne voit pas. Ils (les élus locaux) se trompent.” À noter que le nombre d'aveugles inscrits à l'échelle nationale est de 173 00.