En désapprouvant fortement la reconnaissance de l'Etat de Palestine par le Brésil et l'Argentine, les Etats-Unis espèrent mettre fin à un mouvement qui a gagné plusieurs Etats d'Amérique latine. L'Uruguay a annoncé son intention d'imiter ses deux voisins en 2011. Washington a fait part de son courroux immédiatement après que Caracas eut rendu publique sa décision de reconnaître les droits des Palestiniens à un Etat national dans les frontières de 1967, d'avant l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza. Philip Crowley, le porte-parole du département d'Etat américain a déclaré :“Nous croyons que toute action unilatérale est contre-productive” ! Le président Obama, qui a reculé devant Netanyahu, au point de faire sienne la politique israélienne, va jusqu'à déclarer implicitement que la reconnaissance de l'Etat palestinien est caduque puisqu'à ses yeux seul Israël serait en mesure de le faire ! Quand son département d'Etat déclare ouvertement que cela relève des négociations menées par les Israéliens et les Palestiniens et que celles-ci demeuraient le seul moyen d'atteindre la paix au Proche-Orient, n'est-ce pas s'aligner totalement sur la ligne de conduite de Netanyahu ? Israël, qui a déploré les initiatives des Latinos, en assurant qu'elles entraient en contradiction avec les accords d'Oslo de 1993, est plus inquiet qu'il ne le paraît, même si ses dirigeants s'époumonent à raconter qu'ils ne sont pas tenus par la vague de reconnaissances de l'Etat de la Palestine qui va déferler dans les semaines à venir. Au deuxième Forum économique arabo-nippon, organisé à Tunis, sous l'égide de la Ligue arabe et du gouvernement japonais, le ministre japonais des AE, Seiji Maehara a appelé au nom de son pays à un arrêt immédiat et à un gel total de la colonisation israélienne, même à Jérusalem- est. L'Asie pro-occidentale connaîtra sûrement la même évolution que l'Amérique Latine, s'agissant de la cause palestinienne. Face à l'incapacité d'Obama de tenir ses promesses, à savoir d'exiger d'Israël le gel des nouvelles constructions en Cisjordanie comme condition pour poursuivre les négociations, le président de l'Autorité palestinienne se tourne vers les alliés de la lutte de son peuple, comme les deux poids lourds latino-américains qui viennent d'ajouter leur nom à la liste des pays qui reconnaissent l'Etat de Palestine. 106 pays reconnaissent l'Etat de Palestine, pour la plupart des pays d'Afrique, du Proche-Orient, d'Europe de l'Est et d'Asie. Les pays européens, dont la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, lui reconnaissent un statut diplomatique particulier. Depuis qu'il s'est convaincu que son ami Obama n'était plus en mesure de parrainer avec impartialité les négociations israélo-palestiniennes au point mort, Mahmoud Abbas a entrepris un travail de fourmi auprès des capitales jusqu'ici plutôt soucieuses de ne pas contrevenir aux positions américaines. Les Palestiniens envisagent même de solliciter une reconnaissance américaine de l'Etat palestinien sur les frontières de 1967, quitte en cas de refus à porter cette demande devant le Conseil de sécurité, voire l'Assemblée générale des Nations unies. Les frontières de 1967 comprennent la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est, sous domination israélienne depuis la guerre des Six Jours, en 1967. Plus de 60% des territoires occupés sont sous le contrôle direct d'Israël. Par ailleurs, il est à se demander pourquoi Mahmoud Abbas tarde à proclamer l'Etat de Palestine ? Un Etat qui symboliquement existe depuis novembre 1988. Est-il empêché par la Ligue arabe qui ne voudrait pas se trouver en disgrâce avec Washington ? C'est possible si on voit les choses sous le prisme égyptien. Le Caire, qui a fait main basse sur la Ligue arabe dont le secrétaire général est un de ses ressortissants depuis toujours, n'a pas envie d'en rajouter à ses différends avec les Etats-Unis. Obama a fait savoir sa désapprobation sur le tripatouillage des législatives égyptiennes et met en garde sur la présidentielle de 2011 que le clan Moubarak ne va pas lâcher, quel qu'en soit le prix. Alors, il ne restera plus à Mahmoud Abbas qu'à demander à l'ONU de placer les territoires palestiniens sous mandat international ! Il l'a annoncé lui-même ajoutant qu'en dernier recours, il irait jusqu'à saborder le pouvoir palestinien et sommer Israël d'assumer ses obligations de puissance occupante ! Washington désapprouve toutes ces voies de sortie palestiniennes, s'en tenant aux négociations version israélienne. La question est de savoir si Mahmoud Abbas pourra ne pas retourner à la table de négociations. En reconnaissant qu'il n'a pas été en mesure d'exiger le maintien du gel de la colonisation, Obama a mis le président de l'Autorité palestinienne dans une situation impossible: si celui-ci accepte de retourner à la table des négociations, sa crédibilité auprès de la population, déjà sérieusement minée, pourrait en être davantage plombée. Et puis Hamas est toujours en embuscade.