El Hadj Brahim Ghouma, membre du Conseil de la nation et secrétaire national des sages et des notables du Tassili des Ajjer qui englobe les chefs de plus d'une soixantaine de tribus touareg, tire la sonnette d'alarme quant aux conséquences d'une situation des plus chaotiques que traverse la région du Sud algérien du fait de “la marginalisation et l'ostracisme qui frappent la population targuie dans la région du Sud”. “On voit défiler, nous dit-il, des personnes étrangères alors que les jeunes de la région sont exclus.” Et de marteler : “Les Touareg sont victimes de discrimination !” Il précise que “plus de 2 000 jeunes en proie au chômage rien qu'à IIlizi risquent de se rebeller si rien n'est fait dans le sens d'une solution et d'une intégration socioprofessionnelle. Les dernières émeutes pour réclamer des postes de travail ne sont qu'un soubresaut de ce qui pourrait se passer dans un proche avenir”. Il avertit que “les tentations dans cette région émanant d'un côté des terroristes et autres contrebandiers et de l'autre de la Libye qui veut les intégrer en leur proposant logements, travail et vie décente sont très grandes”. Et lui en tant que chef des Touareg, s'il est arrivé jusqu'à maintenant à maintenir un certain ordre, les choses risquent d'échapper à tout contrôle d'autant que le ras-le-bol est à son apogée. Le chef des Touareg indique que “nous avons un autre gros problème lié à la sécurité de nos frontières. Il faut la renforcer. Nous avons constamment des intrusions. Récemment deux terroristes ont forcé les frontières, nous les avons repoussés vers la Libye d'où ils étaient venus. Là-bas, ils ont été interceptés et abattus. Il faut savoir que nous ne disposons pas d'armes alors que juste à côté en Mauritanie, la vente des armes se fait librement. Nous risquons chaque jour que Dieu fait nos vies. Nos compatriotes sont continuellement en danger, ils n'osent plus s'aventurer dans le désert. Nous sommes la proie des narcotrafiquants et des contrebandiers de tout acabit. Nos citoyens sont rackettés par des bandits armés. Nous faisons ce que nous pouvons dans ce climat délétère mais nos moyens sont très limités”. Le chef des sages des Touareg poursuit en se désolant de cette situation : “Les populations touareg sont livrées à elles-mêmes. Je suis le seul à les retenir pour ne pas commettre l'irréparable. Il est vrai que je suis respecté mais si leur calvaire continue, je ne répondrai plus de rien. Je subis des pressions énormes mais il y a trop de problèmes qui me dépassent. Depuis l'indépendance, rien n'a été fait pour la région et encore moins pour la wilaya d'Illizi que je représente en tant que sénateur. Les jeunes sont fragilisés par la misère sociale et par les tentations qui les entourent.” Il affirme que “les communes et les daïras souffrent de déshérence et d'anachronisme dans la gestion et les soi-disant bureaux de l'Ansej et autres dispositifs censés booster l'emploi de jeunes sont des caisses d'enregistrement et leur fonction se limite à inscrire les projets sans intention de les prendre en charge”. Chakib Khelil avait été prévenu ! El Hadj Brahim Ghouma enfonce l'ex-ministre de l'Energie et des Mines car ce dernier était au courant de la discrimination dont font l'objet les jeunes Taouerg quant aux recrutements à la Compagnie pétrolière nationale. “J'ai épuisé tous les recours mais les problèmes persistent”, révèle-t-il. Et d'enchaîner : “En 2006, j'avais interpellé Chakib Khelil lui demandant d'intervenir auprès des responsables de Sonatrach afin de résorber quelque peu le chômage qui sévit dans la région. Il m'a fait des promesses qu'il n'a jamais tenues. À l'époque, je lui ai soumis six dossiers de jeunes qualifiés et d'autres ayant fait des études supérieures. Il donna son accord mais c'est resté lettre morte. Son directeur de cabinet, toujours en poste persiste jusqu'à ce jour à pratiquer la politique de l'exclusion et de la discrimination envers nous. Nous avons même été taxés de ‘mauvais travailleurs' sans raison, un argument qui attise la colère de nos jeunes. Et pourtant ces derniers n'ont qu'une seule envie, c'est de travailler et d'aider à la prospérité de leur région. Le pétrole, le gaz, les gisements miniers sont sous notre sol mais nous n'en profitons pas. La région est maintenue dans un état de pauvreté et de déliquescence. Nous n'avons rien. Il faut qu'on nous dise enfin si nous sommes des Algériens ou non et qu'on arrête de nous leurrer !” Et d'ajouter : “Une tonne de dossiers se trouve au niveau de la direction de production, à Hydra. Nous avons entrepris plusieurs démarches auprès de la direction générale mais nos doléances sont reçues avec mépris. Nous subissons la hogra de ces responsables qui sont à l'origine de nos malheurs.” Sur un ton dépité et plein d'amertume, notre interlocuteur poursuit : “J'ai activement participé, à l'aube de l'indépendance, à l'édification de l'Algérie et à son développement. Je joue le rôle de médiateur dans les différentes crises qui peuvent embraser la région. Je lance donc un appel aux autorités officielles pour se pencher sérieusement et efficacement sur la situation qui prévaut dans la région du Sud algérien afin d'atténuer la misère et le marasme économique qui étouffe notre communauté. J'ai adressé de nombreuses correspondances aux institutions, tous secteurs confondus y compris au ministère du Tourisme, activité qui agonise dans notre région en dépit des potentialités immenses qu'elle recèle. Cependant toutes les portes sont restées fermées.” C'est un cri de détresse que lance le chef des Touareg du tassili des Ajjer. “La stabilité dans le Sud algérien est menacée. J'appelle les gouvernants à prendre des mesures urgentes et promptes afin de parer aux pires scénarios qui pourraient se dérouler dans la région.” Les enjeux dans la région du Sud ne sont plus à démontrer et l'Algérie qui fait face à une équation des plus difficiles, partie prenante dans les luttes qui se déroulent au Sahel, doit à tout prix se prémunir d'une éventuelle explosion sociale dans ses propres territoires touareg sachant que ses frontières sont très ouvertes et que la guerre contre le terrorisme et le grand banditisme qui le finance va se développer, selon les experts de la sécurité internationale. Il est impératif de déclencher un véritable plan d'urgence face à cette situation décrite par le chef des sages et des notables du Tassili des Ajjer.