Il était une fois, dans une lointaine contrée de campagne, deux inséparables jeunes adolescents, très proches l'un de l'autre. Aïcha, une fille aveugle, souvent en proie à la mélancolie à cause de son handicap, et Omar, son seul ami et seule personne, dans tout le village, à qui elle adresse la parole. Omar est tout son contraire. C'est un jeune garçon espiègle, extrêmement sensible et un rien le réjouissait. Il était toujours là pour elle. Il l'emmenait partout et partageait tout son temps libre avec elle. Un jour, dominant sa morosité, et après un long soupir, Aïcha lui avoue : “Omar, mon ami, tu es tellement bon et loyal. Et si seulement je pouvais voir le monde, je me marierais avec toi !” Cette inattendue confession, si clairement exprimée, a eu l'effet d'un foudroyant tonnerre dans la tête d'Omar. Peut- être même dans son cœur ? En tout cas, une telle déclaration ne l'a pas laissé indifférent. Un matin, presque aux aurores, pour la première fois, Aïcha est venue se pointer à l'entrée de la maison familiale d'Omar. Il était le cadet de cinq enfants et il est l'unique garçon. Aïcha et lui ne s'étaient plus revus depuis leur fameux tête-à-tête qui remontait déjà à près d'un mois. Le jeune homme était absent de chez lui, pour de longs soins, en ville. Alors qu'il tentait de relater les raisons de son éloignement de la maison, Aïcha, impatiente et très excitée, lui apprend qu'un anonyme lui avait fait don de ses yeux et qu'elle pouvait enfin voir. Voir tout ce qui l'entoure. Découvrir enfin son ami Omar. Surpris et content à la fois, il lâcha, subitement : “Maintenant que tu peux voir, va-t-on se marier ?” Aïcha le fixa longuement et eut cette douloureuse réponse, en découvrant les paupières fermées de son ami : “Mais tu es aveugle ? Ah non, je ne veux plus jamais revivre la même chose ! Je ne veux pas revivre ce handicap à travers toi ! On ne peut pas se marier !”Omar, profondément affecté par la réaction de son amie Aïcha, ne put retenir les premières larmes d'un infini chagrin naissant. Se cachant la tête par pudeur, il révéla, en se tournant, comme pour fuir un regard qu'il ne pourrait désormais voir : “Aïcha, prends bien soin de mes yeux. J'en ai assez vu !” NADIA AREZKI [email protected]