Le délégué général de l'Association des banques et établissements financiers indique que les banques sont en attente d'un texte d'application. Les patrons et chefs d'entreprise qui ont cru pouvoir importer des matières premières, dans la limite de 2 millions de dinars par an, sans passer par le crédit documentaire ont vite déchanté. La mesure prévue par la loi de Finances complémentaire 2010 n'étant pas appliquée, au niveau des banques, certains patrons d'entreprise se retrouvent avec des marchandises bloquées aux ports, ne sachant que faire. Rappel : face au tollé provoqué par l'instauration du crédit documentaire, le gouvernement a décidé d'instaurer une mesure d'allégement pour les entreprises : celles qui souhaitent commander des pièces de rechange, d'un montant cumulé annuel limité à 2 millions de DA sont dispensées du paiement obligatoire des importations par crédoc. En effet la loi de finance complémentaire 2010, publiée au Journal officiel d'août 2010, stipule que le paiement des importations s'effectue obligatoirement au moyen du seul crédit documentaire. Toutefois, sont dispensées du recours au crédit documentaire les importations des intrants et de pièces de rechange réalisées par les entreprises productrices, à condition que ces importations répondent exclusivement aux impératifs de production ; les commandes annuelles cumulées et opérées dans ce cadre ne pourraient excéder le montant de deux millions de dinars (2 000 000 DA) pour la même entreprise. Cette dérogation ne soustrait pas les entreprises concernées de l'obligation de domicilier l'opération quel que soit le mode de paiement. “Sont exclues de l'obligation du crédit documentaire les importations de services.” Quatre mois après la promulgation de la LFC 2010, la mesure n'est pas appliquée au niveau des banques. Contacté, le délégué général de l'Abef, précise d'abord que “les banques, en matière de commerce extérieur, ne sont que des intermédiaires agréés”. En d'autres termes, les banques, en matière de commerce extérieur, de flux financier, agissent par délégation. Et concernant la mesure d'allégement de recours au crédit documentaire, M. Abderrahmane Benkhalfa indique que les banques sont en attente d'un texte d'application qui devrait venir de la Banque d'Algérie. “Un travail préalable a été fait. Le texte serait publié dans quelques jours,” rassure-t-il. Entre temps, des opérateurs ont déjà entamé des opérations d'importation dans le cadre de cette nouvelle disposition. Leurs produits sont bloqués aux ports, induisant des coûts supplémentaires, sous forme de surestaries. Les opérateurs en question ont été pris au dépourvu par leurs banques. Ces dernières affirment n'avoir rien reçu comme instruction concernant la mesure prise dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2010. L'institution, par la LFC 2009, de la lettre documentaire comme seul moyen de paiement des importations a pénalisé plusieurs entreprises dont la trésorerie s'est révélée incapable de soutenir les coûts exigés par le crédoc. Les entreprises privées ne sont pas les seules à subir les “contrecoups” du crédit documentaire. Le patron d'Air Algérie, Abdelwahid Bouabdallah, avait indiqué que la compagnie aérienne publique a été gravement pénalisée par l'institution du crédoc comme seul moyen de paiement des importations. Les mesures censées restreindre l'importation, à l'image de cette obligation de passer par le crédit documentaire, sont des mesures qui, aux yeux des chefs d'entreprise, pénalisent nettement plus les producteurs qu'elles ne contribuent à réduire les importations. Selon le Cnis, les importations durant les onze premiers mois 2010 se sont établies à 36,43 milliards de dollars contre 35,76 milliards de dollars au cours de la même période en 2009, accusant une légère hausse de 1,89%. Mais au-delà des statistiques, il faut signaler la propension des institutions économiques à appliquer immédiatement les mesures restrictives, alors que celles favorables aux entreprises, notamment les PME, souffrent d'un manque d'exécution sur le plan opérationnel. Le retard pris dans la mise en œuvre de la disposition de la LFC 2010, qui dispense les entreprises productrices du recours au crédit documentaire pour les importations des intrants et de pièces de rechange, répondant aux impératifs de production illustre, entraîne l'incapacité des institutions économiques algériennes à accompagner le développement du secteur privé. L'entreprise privée, créatrice de richesses autant que l'entreprise publique, et peut-être davantage, mérite bien mieux que ce que les pouvoirs publics sont en train de lui faire subir.