2010 pourra être pour la cyberguerre, ce qu'a été 1914 pour les guerres modernes. C'est loin d'être une boutade. Pour les adeptes de cette “théorie”, la meilleure démonstration consiste en les effets des révélations de WikiLeaks de cette année. En mettant de côté les polémiques suscitées par les câbles, et dont les retombées politiques ne tarderont pas à se ressentir dans plusieurs pays, le site du très controversé australien, Julian Assange, est déjà rentré par la grande porte dans l'histoire, et pas uniquement virtuelle. D'ailleurs, WikiLeaks vient surtout démontrer l'incommodité de ne plus lier la “réalité” avec la Toile. Ainsi, les attaques que ne cessent de subir WikiLeaks et son fondateur australien ont fait déclencher une armada de manœuvres que plusieurs avaient annoncée il y a de cela des dizaines d'années, et qui semblent ainsi se “concrétiser”. C'est que la défense pro- WikiLeaks prend des proportions nouvelles. Evidemment, il y a les hackers qui attaquent plusieurs sites bancaires et étatiques dans de nombreux pays. Mais pas uniquement. La cyberguerre s'annonce aussi sous d'autres formes. Dans le monde de la toile, ce qui était accepté et toléré ne le sera plus. Ainsi, l'immense pouvoir de l'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), le régulateur de l'Internet mondial, est remis en cause. Un système de gestion du nommage et d'adressage sur Internet pointe à l'horizon. Son nom : “P2P DNS” (Peer to Peer Domain Name System). Il s'agit d'une forme de fronde mondiale contre ce qui est considéré comme des abus d'autorités des états qui ont déclenché leurs machines de restriction contre tout ce que représente WikiLeaks. Derrière cette “offensive”, il y a l'un des fondateurs de Pirate Bay (site d'échange de fichiers en BitTorrent dont la fermeture en 2009 avait fait grand bruit). Les déçus du système, hackers et autres, se mobilisent dans plusieurs pays et surtout dans de nombreux réseaux éparpillés à travers les nœuds de la toile. Leur pouvoir est loin d'être faible. Parmi les nombreux soutiens que Julian Assange a reçus, il faut noter celui d'une personne que beaucoup ont oubliée mais dont la montée au créneau en dit beaucoup sur ce qui se passe actuellement. Il s'agit de Daniel Ellsberg, 79 ans, l'ancien analyste américain qui avait publié en 1971 (l'année de naissance d'Assange), au New York Times, 7 000 pages de documentation top secrètes appartenant au Pentagone et concernant la Guerre du Viêt-nam. Avec cette alliance multiforme, la seconde décennie du 21e siècle s'annonce encore plus troublée que la première.