Gerhard Schroeder et Jacques Chirac demeurent inflexibles quant au transfert rapide du pouvoir aux Irakiens. Cette position irrite au plus haut point les Américains et les Britanniques, nullement disposés à quitter l'Irak aussi vite, du moins pas avant d'avoir fait de ce pays un territoire conquis et un marché supplémentaire. Toute les tentatives américano-britanniques de freiner l'ardeur de l'axe Paris-Berlin sur la question irakienne ont été vouées à l'échec, y compris la dernière participation de Tony Blair au sommet qui l'a réuni à Berlin avec les chefs d'Etats germanique et français. Schroeder et Chirac n'ont fait que réitérer au chef du gouvernement britannique leur position antérieure, exigeant un transfert dans les meilleurs délais possibles aux Irakiens. Tony Blair est donc reparti bredouille de Berlin, lui qui espérait rallier ses deux interlocuteurs à ses thèses irakiennes. Le bras de fer entre toutes ces parties est loin d'être terminé. Devant l'insécurité grandissante en Irak, due à la recrudescence des attaques anti-américaines, les coalisés cherchent à impliquer le plus grand nombre de pays dans l'opération de l'après-guerre dans le but évident d'atténuer la tension et surtout de diminuer les dépenses inhérentes à la présence de leurs troupes engagées dans ce conflit. Mais, comme l'administration Bush ne veut pas quitter l'Irak les mains vides, d'où la nécessité de prolonger l'occupation, les pays sollicités hésitent ou refusent clairement de prendre part à la gestion de l'Irak et à sa reconstruction. L'une des principales revendications, à savoir la mise sous l'égide des nations unies de cette opération, n'ayant pas été satisfaite, l'adhésion au projet britanno-américain reste fort limitée, voire nulle. Les Français et les Allemands, qui se sont fermement opposés à l'invasion de l'Irak en mars dernier, campent sur leur position initiale. Leur intransigeance serait, selon les spécialistes du dossier irakien, l'un des principaux motifs de l'hésitation ou du refus de plusieurs pays de rejoindre le camp des coalisés. Conscient de cela l'axe Berlin-Paris durcit davantage sa position. Devant l'opiniâtreté de l'Allemagne et de la France à exiger la satisfaction de leurs revendications, Londres et Washington retardent au maximum la présentation au vote du conseil de sécurité de la nouvelle résolution sur l'Irak, initialement prévue pour demain. Le vote est reporté au-delà de l'assemblée générale de l'organisation des nations unies, qui s'ouvre aujourd'hui à New York. Les Américains marchandent avec leurs alliés d'hier, adversaires d'aujourd'hui, dans le but de trouver un arrangement. Il leur faudra satisfaire l'appétit de Berlin et Paris, désireux d'avoir leur part du gâteau, en voyant leurs firmes bénéficier elles aussi des marchés juteux de la reconstruction de l'Irak, alors que les Américains entendent ne rien partager. L'aboutissement à un accord est donc tributaire des concessions que voudra bien faire la maison blanche sur ce point précis. Il n' y a donc pas lieu de penser qu'il s'agit réellement de positions de principes, mais seulement d'intérêts. K. A.