Revigoré par l'adoption à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU de la résolution sur l'Irak, le président américain s'est heurté à l'opposition de Chirac sur plusieurs de ses projets. George Bush n'a rien laissé au hasard à Sea Island où il avait l'avantage de compter sur ses principaux soutiens que sont la Grande-Bretagne, l'Italie, le Japon et le Canada. Si une bonne partie de ses projets a été adoptée, ses plans relatifs à l'Irak, notamment la dette de ce pays, l'implication de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord dans la gestion de la situation sécuritaire et le “Grand-Moyen-Orient” ont rencontré une sérieuse résistance de la part de Jacques Chirac. Appuyé par Gerhard Schroeder et Vladimir Poutine, ce dernier s'est farouchement opposé à l'éventualité de voir l'Otan entrer en scène en Irak. Le patron de l'Elysée ne s'est également pas empêché de formuler des réserves sur le “Grand-Moyen-Orient” version américaine. Le chef de l'Etat français a estimé que “le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord n'avaient pas besoin de missionnaires de la démocratie”. Une manière de dire à son homologue américain qu'il ne fallait rien imposer aux dirigeants des pays de cette région. Malgré cela, Bush n'était nullement disposé à laisser passer une telle aubaine pour faire admettre ses points de vue sur ces questions qu'il juge déterminantes pour l'avenir des Etats-Unis dans cette partie du monde. Le projet “Grand-Moyen-Orient” a été certes adopté, mais avec les réserves formulées par la Russie, l'Allemagne et la France. Après avoir retourné à son avantage la débâcle des forces de la coalition en Irak, en faisant adopter une résolution onusienne qui lui est très favorable, il ne pouvait s'arrêter en si bon chemin. L'occasion était propice pour redorer son blason à l'approche des élections présidentielles américaines prévues le 4 novembre prochain. Ainsi, outre le projet de grand-Moyen-Orient, le locataire du bureau ovale a également fait adopter sa proposition relative au contrôle de la prolifération des armes de destruction massive. Pour rappel, les ADM irakiennes étaient la principale raison de la guerre contre l'Irak, sans qu'aucune trace ne soit découverte jusqu'à aujourd'hui par les forces de la coalition. En dépit de cela, Washington continue à faire la chasse à ses armes dans les pays où on n'en trouverait qu'en petites quantités, tout en fermant l'œil sur les protégés, tel qu'Israël qui en possèdent de très grandes quantités. C'est la politique du deux poids, deux mesures appliquée depuis toujours par les Américains, quand il s'agit de protéger leurs alliés stratégiques. À Sea Island, George Bush a de nouveau réaffirmé son hégémonie sur le monde en imposant sa manière de concevoir les relations internationales. Pis, maintenant il va jusqu'à exiger une modification des régimes politiques conformément à son modèle. Après avoir renversé le régime irakien par la force, il procède désormais par la menace indirecte, comme c'est le cas avec son projet de grand-Moyen-Orient par lequel il ne laisse aucun choix aux dirigeants des pays concernés. Soit, ils adhèrent à cette initiative et continueront à bénéficier des privilèges américains, soit ils disent non et s'exposeront du coup à des sanctions. Une chose et sûre, l'Arabie Saoudite et l'Egypte qui ont expressément rejeté le projet US, sont désormais dos au mur, notamment Riyad qui fait face à une vague de terrorisme sans précédent. Leur unique espoir demeure la non-réélection de George Bush et surtout un soutien ferme de l'Europe. K. A.