La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH) fait appel aux partis d'opposition et aux syndicats autonomes pour canaliser les manifestations qui secouent le pays afin de prémunir la contestation contre tout dévoiement. “En ce moment critique, nous lançons un appel à la société civile, aux partis de l'opposition et aux syndicats pour se mobiliser afin d'encadrer les manifestations porteuses de revendications légitimes. Notre crainte est que certains actes de violence soient récupérés par le pouvoir pour discréditer ces revendications”, a lancé Me Mustapha Bouchachi, lors d'un point de presse animé hier au siège de son organisation, à Alger. Dans cette optique, des contacts sont d'ores et déjà noués avec des syndicats autonomes comme le Snapap, révèle-t-il. Se disant être aux côtés des jeunes manifestants, la LADDH refuse de les incriminer même si elle déplore certains actes de vandalisme. “Ce sont nos enfants et ils n'ont d'autres moyens pour exprimer leurs revendications que les manifestations violentes. Ce sont des enfants de l'état d'urgence”, s'écrie Me Bouchachi, qui dit ne pas comprendre que certains reprochent aux jeunes de ne pas recourir à des marches pacifiques, en rappelant que les familles des disparus comme les syndicats de la santé et de l'enseignement sont systématiquement interdits d'observer le moindre sit-in et que les marches dans la capitale sont interdites depuis 2001. Ceci dit, il appelle les jeunes à ne pas recourir à la violence pour ne pas donner l'occasion au régime de décrédibiliser leur action. S'exprimant sur l'origine des manifestations, le président de la LADDH ne partage pas les explications du gouvernement qui les incombe à l'augmentation des prix du sucre et de l'huile. Son point de vue : la cause profonde de ces émeutes, ce sont les dernières mesures gouvernementales visant à en finir avec le secteur informel qui fait travailler des bataillons de jeunes chômeurs. Les conditions de vie des Algériens, la corruption, l'état d'urgence, la fermeture des espaces d'expression sont aussi, de l'avis de Me Bouchachi, pour quelque chose. Selon lui, le régime porte seul la responsabilité des manifestations qui secouent le pays. “C'est le résultat de la politique suivie par le régime depuis 18 ans ”, tonne-t-il, avant d'ajouter : “Le pouvoir s'est employé à couper les partis politiques et la société civile de la rue. Il n'y a personne pour encadrer ce mouvement car il y a un vide total au sein de la société algérienne. Face à ce vide, le pouvoir s'est rabattu sur les imams qui, à force d'avoir été mis à contribution, sont complètement décrédibilisés”. Que pense-t-il du silence du président Bouteflika et du Premier ministre Ouyahia ? “J'ai l'impression que le régime politique, obnubilé qu'il est par sa survie, ne se préoccupe guère du sort du peuple algérien. 5 jours après les évènements, il n'y a personne pour s'adresser au peuple. Pourtant, c'est du devoir constitutionnel et politique du premier magistrat du pays. Contrairement aux régimes dictatoriaux qui sévissent sous d'autres cieux, le nôtre n'a même pas de programme”. Même s'il ne remet pas en cause la spontanéité des évènements, Me Bouchachi n'a pas pour autant écarté l'hypothèse de la manipulation. “Il n'est pas exclu que ces évènements soient le fait d'un clan au pouvoir qui a partie liée avec des cercles à l'intérieur ou à l'extérieur du pays”, explique-t-il avant d'avertir : “Souvent, les scénarios concoctés se trouvent totalement dépassés par la rue.”