Le décor est kafkaïen : de l'autre côté de la frontière tunisienne, plus exactement dans les villes limitrophes à l'Algérie, les routes sont désertes. Seules quelques routiers, à savoir les habitués et ceux qui connaissent les reliefs et les raccourcis, circulent. Des touristes, à bord de voitures immatriculées en Algérie, reviennent de Tunisie. De l'autre côté de la frontière algérienne, comme aux postes frontaliers d'Annaba, de Tébessa et de Souk-Ahras, la vigilance a monté d'un cran. Douanes, police des frontières et gardes frontières sont déployées pour sécuriser les routes et contrôler le flux de voyageurs qui y transitent. Cette situation complexe n'a pas découragé les fraudeurs à “vaquer” à leur occupation. Mieux, cette pagaille est autrement exploitée comme palliatif pour acheminer, du côté des deux rives, toutes sortes de marchandises provenant de la contrebande, nous explique notre source. En moins d'une semaine, ce sont plus de 40 tonnes de marchandises qui ont été récupérées par les services de sécurité. Semoule, huiles, sucre, pâtes alimentaires, tomates, dattes, détergents et produits de lessive, boissons alcooliséess , cigarettes, vêtements, près de 60 000 litres de carburant (essence et gasoil), des centaines de jerricans vides, une douzaine de véhicules et de camions, plus de 25 tonnes de cuivre et passons, ont été saisis sur la bande frontalière où l'insécurité règne depuis notamment l'embrasement de la situation en Tunisie. Selon notre source, pas moins de 10 personnes ont été arrêtées lors de ces opérations. Mais le pire réside dans le fait que les contrebandiers s'adaptent à la donne sécuritaire. En effet, depuis la promulgation du couvre-feu en Tunisie, les trafiquants “préparent” leurs convois durant la journée et opèrent en nocturne pour tromper la vigilance des services de l'ordre. Des deux côtés de la frontière, ils tentent, vainement, de s'approvisionner en denrées alimentaires et en carburant, mais aussi en produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques. À ce propos, indique notre source, pas moins de 28 000 seringues à injections sous-cutanées et 1 000 paires de gants ont également été récupérées au moment où les émeutes faisaient ravage chez nos voisins. Le trafic de la monnaie, à la limite de la fuite des capitaux, a connu, lui aussi, une telle ascension que les trafiquants acheminaient clandestinement des sommes colossales vers l'Algérie. Notre source indique que des sommes importantes en dinar tunisien et en euro ont été découvertes sur des individus en passe de rallier la frontière. Profitant des émeutes et de la désertion des routes principales qui relient les deux pays, les racketteurs ont infiltré les émeutiers, notamment du côté de Kasserine où la tension est encore vive, pour délester les routiers de leurs biens. Malgré le dispositif sécuritaire déployé en Tunisie et les comités de citoyens qui défendent leurs biens et dénoncent les pilleurs et les racketteurs, les voyageurs, qui rallient les postes frontaliers de Bouchebka, El-Ayoun ou encore Oum Teboul, craignent les mauvaises surprises. À l'heure actuelle, et malgré ce climat d'insécurité, certains marchés sont rouverts, ce qui permet aux populations frontalières de reprendre leur quotidien, certes, mais sous une tension perceptible, tant que le couvre-feu est encore en vigueur de 17h à 7h du matin.