Les chercheurs de vérité sont comme les chercheurs d'or : ils ont l'angoisse d'en trouver. Et de devoir vivre d'autre chose que la quête, aux sens propre et figuré, motivée par le devoir de vérité. Cela les obligerait à changer de métier. Les morts et les disparus ont le destin posthume des survivants qui en vivent. Que leur disparition serve à financer les appétits de leurs ayants droit ou qu'elle serve à porter le message politique de ceux qui s'emparent de leurs cadavres comme d'une arme, ce sera à leur mandataire resté sur terre, représentant naturel ou autoproclamé, de choisir l'usage politique ou économique qu'il voudrait en faire. Ce maniement de la dépouille du mort ou de l'ombre du disparu est encore plus concevable tant que le doute subsiste sur les conditions de décès ou de l'évanouissement de la personne et surtout sur l'identité de l'auteur du crime ou de l'enlèvement. C'est pourquoi on observe parfois que les enquêtes et les procès sont souvent repoussés par ceux-là mêmes dont la cause est de les revendiquer. C'est ce qui arrive au “mécanisme ad hoc” de Bouteflika rejeté par Ali Yahia Abdennour, président de la Ligue de défense des droits de l'Homme islamiste, dès sa mise en place, au motif qu'il ne s'agit pas d'une commission internationale. Bien sûr qu'il n'y a aucune raison de concéder la moindre confiance à une structure mise en place par le pouvoir. Son discrédit constitue l'unique consensus national et autorise tous les doutes envers chacune de ses initiatives. Dans cette affaire, Ali Yahia, qui n'a rien contre personne, se garde bien de prendre compte du fait que le “mécanisme” est une initiative personnelle, revendiquée par le président de la République, et non un quelconque pouvoir non identifié, comme son communiqué le laisse entendre par omission. Même le président du comité ad hoc ne manque pas de bonnes intentions, si l'on en croit Ali Yahia, mais, “comme un chef de train, (il) rencontrera de nombreux serre-freins qui le feront dérailler”. Ali Yahia le sait d'avance : le train, à moins que ce ne soit le chef de train, finira par dérailler ! C'est par une véritable provocation que le piètre défendeur et néanmoins infatigable défenseur des islamistes conclut son communiqué : “L'impunité résulte d'une loi d'amnistie…” Maintenant que les terroristes sont mis à l'abri de la justice, il faut aller traquer les crimes imputables à… la lutte antiterroriste. La concorde civile est passée par là. Pour les crimes de l'islamisme, circulez ; il n'y a rien à voir. On s'occupe de ceux qui ont manqué de raffinement humanitaire dans la lutte contre la monstrueuse entreprise de massacre des Algériens. Et dans ce véritable révisionnisme d'Etat, la réaction de Ali Yahia à la mise sur pied du fameux mécanisme de Bouteflika participe de l'effort commun : accabler l'antiterrorisme pour conforter l'allié islamiste. Cela ressemble à une divergence, mais cela trahit la convergence établie entre le clan et la secte. M. H.