Bruxelles organise aujourd'hui une marche blanche “shame” (marche de la honte), pour exiger un gouvernement ! Mots d'ordre : “Honte, pas de gouvernement pour notre pays après deux cents jours”, “Nous voulons un gouvernement”. Ses organisateurs rejettent dos à dos les unionistes wallons et les séparatistes flamands pour une Belgique rassemblée. Les Belges attendent en effet leur gouvernement depuis plus de sept mois et les partis ne parviennent toujours pas à s'entendre pour le former. Belges et observateurs avaient même conclu que la Belgique pouvait alors rester dans l'intérimaire puisqu'elle a assuré sans pépins, voire avec succès, la présidence de l'Union européenne durant six mois. Et le monde a fini lui aussi à se faire à cette histoire typiquement belge. Mais trop, c'est trop. Lorsque le 5 janvier, deux partis flamands, dont le parti indépendantiste NV-A, grand vainqueur dans la dernière consultation législative (juin 2010) mais sans atteindre la majorité, ont rejeté la proposition du médiateur Johan Vande Lanotte, le roi s'est emporté, ne cachant plus son courroux, et le déclic a de nouveau retenti dans le pays. Le nouvel échec a alors ravivé l'exaspération populaire. Depuis, les initiatives citoyennes fleurissent. Mais l'heure n'est pas à la révolution : le pays s'ébroue selon la vieille tradition belge, insolite et ironique. Les Belges vont alors marcher contre l'immobilisme plus que pour des réformes. Un Belge a même proposé à ses compatriotes de ne plus se raser, une blague qui fait le buzz sur la Toile. Autre succès sur Internet : le site “camping16”, où plus de 130 000 personnes ont déjà planté leur tente virtuelle au 16, rue de la Loi, l'adresse du Premier ministre. Plus que le nombre de clics, le rendez-vous physique de ce dimanche fera office de test. Certains politiques le redoutent, car c'est symboliquement plus important. La manifestation de la honte doit réunir ensemble Flamands et Wallons contre l'immobilisme. Et c'est ce qui importe pour pousser leurs partis respectifs à s'asseoir autour de la table non plus pour constater leurs divergences, mais pour trouver des dominateurs communs. Et ce n'est pas ce qui manque dans ce petit pays carrefour de l'Europe (siège de l'UE) et trait d'union entre l'Europe et les Etats-Unis (siège de l'Otan). Reste que la Belgique invente progressivement une nouvelle manière de gouverner.