Deux mois après des élections législatives anticipées, la Belgique est dans une impasse politique pour la formation d'un gouvernement. Les plus pessimistes parlent d'implosion du pays. En cause le radicalisme des nationalistes flamands. Terrible pour un pays fondateur de l'Union européenne, dont Bruxelles est la capitale. Le peuple belge retient son souffle. Deux mois après les élections législatives du 13 juin dernier, la formation d'un gouvernement de coalition comprenant les principaux partis vainqueurs des élections est plus qu'hypothéquée. Francophones (Wallons et Bruxellois) et flamands n'arrivent pas, après d'interminables réunions, à s'accorder sur cette réforme de l'Etat qui vise à une nouvelle organisation des pouvoirs des institutions belges et, surtout, à définir la place et le rôle de Bruxelles, capitale du pays et de l'Union européenne. Les flamands qui ont donné près de 30 % de leurs voix à la Nouvelle Alliance Flamande (NVA), parti nationaliste qui revendique plus d'autonomie régionale, voire un confédéralisme (la Belgique est un Etat fédéral) campent sur leurs exigences que d'aucuns assimilent à un projet séparatiste qui aboutirait, sur le long terme, à l'indépendance de la Flandre. Les sociaux chrétiens flamands du CD & V, alliés à la NVA et qui ont été à l'origine de la crise qui a amené aux élections législatives de juin, sont demandeurs de cette réforme des institutions sans pour autant remettre en cause l'unité de la nation belge. En revanche, les libéraux du VLD, les socialistes (SPA) et les verts (Groen), s'inscrivent en porte-à-faux aux exigences radicales des deux premiers partis flamands. En face, chez les francophones de Wallonie et de Bruxelles, les positions des partis politiques sont plus consensuelles sur deux points principaux: oui à une réforme de l'Etat, mas avec le maintien d'un système fédéral et la solidarité nationale dans les domaines sociaux les plus sensibles tels la sécurité sociale, la fiscalité et le droit du travail. Le dernier « litige » et non des moindres, concerne l'avenir de la capitale de tous les Belges : Bruxelles. L'objectif des Flamands nationalistes est de lui supprimer son statut de région à part entière, et la soumettre à une cogestion entre les deux communautés, flamande et francophone. C'est tout le but de l'éternelle question du remodelage de la circonscription électorale dite de Bruxelles Hall Vilvoorde (BHV). C'est-à-dire Bruxelles et sa banlieue (Hall et Vilvoorde) à majorité francophone, mais située en territoire flamand. Depuis juin, francophones et flamands se testent et se défient dans des réunions sans fin. Après une mission d'information menée au lendemain des élections par le résident de la NVA, Bart de Wever, le roi des Belges, Albert II, a mandaté le président du parti socialiste francophone, Elio Di Rupo, grand gagnant des élections au sud du pays et à Bruxelles, pour une mission de «préformation» d'un gouvernement. Depuis les négociations sont grippées et les divergences entre flamands et francophones sont, selon certains leaders politiques, «abyssales». En réalité, la question de la réforme de l'Etat pose le problème du financement des trois régions que sont la Wallonie, la Flandre et Bruxelles capitale. La Flandre plus riche, rechigne à apporter sa solidarité à la Wallonie moins riche. Les flamands nationalistes visent à briser le système social (santé, sécurité sociale, emploi et allocations familiales etc.) Les transferts financiers de la Flandre vers la Wallonie et Bruxelles tournent autour de 5 milliards d'euros / an, selon les économistes belges. Chiffre, évidement, contesté par les francophones qui accusent les flamands de ne pas dire toute la vérité. L'exemple des 300.000 navetteurs qui travaillent à Bruxelles mais paient leurs impôts en Flandre où ils résident est fréquemment cité comme exemple de «fourberie» politique des flamands (l'impôt est payé sur le lieu de résidence en Belgique). Si l'on ajoute les revenus des taxes et frais de douanes du port d'Anvers (situé en Flandre), il s'avère au final que les transferts financiers du nord au sud du pays ne sont pas si énormes que le prétendent les flamands. L'autre exemple a trait au paiement des pensions des retraités. La Flandre bénéficie du plus gros montant au vu de sa population vieillissante, et donc du nombre des pensionnés. Enfin, depuis la création de la Belgique en 1830, et jusqu'aux années 1955 - 1960, c'était la Wallonie riche de ses charbonnages, qui soutenait la Flandre pauvre. C'est dans ce sens que les francophones de Wallonie et Bruxelles se sentent comme trahis par l'ingratitude des flamands. De plus, le Traité de Rome de 1957, fondateur de l'Union européenne et dont la Belgique est signataire au premier jour, réaffirme le principe de solidarité entre les régions. Principe qui est aujourd'hui le levier du développement économique de l'Union européenne. Ainsi, en surfant sur le sentiment sectaire et nationaliste, les flamands de la NVA et leurs alliés sociaux chrétiens (CD & V) ne remettent pas seulement le principe de solidarité entre les régions belges, mais aussi un principe fondateur de l'Union européenne. Cette Union européenne que préside aujourd'hui le gouvernement de «transition» belge, dans sa propre capitale, Bruxelles, symbole de la maison commune Europe.