Simple hasard du calendrier ? La publication du dernier câble de WikiLeaks relatif à l'Algérie colle curieusement avec l'actualité chaude du pays et de la région. Le câble est récent et date du 13 avril 2009, c'est-à-dire au lendemain de la réélection pour un troisième mandat d'Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême. L'ambassade américaine d'Alger évoque “les irrégularités” du scrutin présidentiel. Le câble parle de “stratégie savamment orchestrée” par le gouvernement algérien. L'ambassade américaine ne met pas de gants pour accuser le gouvernement algérien d'avoir orchestré et caché les fraudes aux observateurs onusiens. Le câble évoque les difficultés rencontrées par les observateurs de l'ONU de travailler librement et de rencontrer les ambassadeurs occidentaux notamment. Citant le chef de la mission d'observation de l'ONU, le gouvernement algérien aurait déployé d'importants “efforts pour contrôler ses rendez-vous et utiliser la présence de la mission pour transmettre la thèse officielle sur l'élection”. Le gouvernement a “activement tenté d'empêcher” les observateurs de rencontrer les diplomates américains et européens, en modifiant constamment leur emploi du temps. Même la loi électorale algérienne n'est pas épargnée par le chef de la mission onusienne. Mais, c'est surtout l'affirmation américaine qu'il y a eu “gonflement du taux de participation” qui attire l'attention dans ce câble. Les chiffres de la participation donnés par le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, ont été “largement exagérés”, est-il écrit dans ce câble. La participation a été plus proche de 25 à 30% que des 74% annoncés, selon les diplomates américains. Le câble révèle surtout que des employés de l'ambassade américaine ont joué, officieusement, le rôle de surveillants du scrutin présidentiel. Mais c'est surtout la conclusion de ce câble qui mérite d'être soulevée, dans la mesure où les diplomates américains basés à Alger expriment clairement leur inquiétude quant aux conséquences de ces irrégularités. Tout en mettant l'accent sur le fait que les citoyens algériens ne se sentent pas concernés par le processus politique, les diplomates suggèrent qu'il y a urgence à ouvrir un dialogue entre l'Etat et la population. Pour les diplomates américains, le statu quo politique en Algérie accentue la désillusion des jeunes et la stabilité du pays reste incertaine. Simple prémonition ? Ou analyse froide d'une situation que même un aveugle verrait ? En tout état de cause, le troisième mandat de Bouteflika était mal parti, bien avant son entame. Les contestations sociales, qui n'ont pas cessé de secouer le pays à différents intervalles, n'ont, peut-être, pas encore atteint le stade de revendications politiques claires et assumées par de larges pans de la société. Mais elles constituent, à y voir plus clair, de sérieux avertissements à un pouvoir qui s'enfonce dans son entêtement à poursuivre une démarche contre-productive et se contente de jouer aux mauvais pompiers dès qu'un feu se déclare quelque part. Les Américains qui, pourtant, écartent officiellement la thèse de la contagion de la “Révolution des Jasmins”, envoient des signaux clairs aux dirigeants algériens : les relations privilégiées ne peuvent constituer un chèque en blanc aux dirigeants algériens. À eux de trouver le moyen de renouer le dialogue avec leur peuple au risque de subir le même sort que le régime de Ben Ali.