Par élites, il faut entendre : un groupe de gens dans une société qui sont puissants et qui ont beaucoup d'influence parce qu'ils possèdent richesses et/ou savoir. Donc, lorsque nous parlons d'élites, nous parlons de groupe de gens, pas d'individus dispersés ; de société, pas d'un désert ; de puissance et d'influence, pas de gens marginalisés ; de richesse et de savoir, pas d'individus dépourvus de moyens intellectuels et matériels. Cette définition permet de tracer clairement la feuille de route de départ pour constituer des élites, qui voudraient contribuer à la résolution de la crise : i. se réunir en groupes et penser institutions pour créer des alliances stratégiques ; ii. mener un travail d'éducation citoyenne pour disposer d'une société à l'écoute et non “prêcher dans un désert” ; iii. construire des capacités de puissance et d'influence par une image d'intégrité sans faille et la démonstration convaincante ; iv. réunir les moyens intellectuels et matériels pour soutenir la mobilisation nécessaire à la résolution de la crise. C'est le respect scrupuleux par tous d'un certain nombre de principes qui assurent le succès de la mobilisation pacifique pour le changement. Il s'agit de : 1. l'absence totale de violence, ni dans le verbe ni dans l'acte, lors des revendications pour enlever au pouvoir le justificatif de la répression ; 2. la clarté intellectuelle, même si elle présente un grand défi pour le pouvoir avec les risques de répression ; 3. la culture démocratique dans le travail au changement : le pouvoir de bas en haut et le respect des règles d'alternance ; 4. les principes démocratiques fondamentaux sont un garant du succès, d'où, il est impossible de réussir en utilisant les méthodes autocratiques ; 5. les forces du changement commenceront en petit nombre qui grossit au fur et à mesure par les relations directes avec la base, le lancement des idées et en présentant une alternative crédible ; 6. plus les gens se mobiliseront autour du changement, plus le pouvoir en place perd confiance et se prépare à la négociation d'une sortie honorable ; 7. il faut qu'une personnalité assume le leadership et prenne la tête du mouvement pour le changement. Les missions pour les élites reconstituées dans la voie du changement sont ainsi clairement définies : 1. intérioriser la nécessité du changement dans le calme et la sérénité pour sauver la nation algérienne ; 2. travailler à l'élaboration d'une force motrice et d'une vision ; 3. travailler à l'établissement d'un consensus pour un leadership assumé ; 4. repérer les personnalités d'appui ; 5. repérer les réalisateurs du changement. Après cela définir une stratégie de communication qui doit comprendre deux premières étapes probatoires : la première consacrée à l'éducation citoyenne ; la deuxième à l'appel à l'imputabilité (accountability ou moussaala). Le défi de la mobilisation des élites est, donc, la sortie impérative de la situation actuelle où les élites, notamment le million et demi d'universitaires, quittent en masse le pays, se détournent de leur vocation première pour se lancer dans l'enrichissement par tous les moyens, ou se désintéressent de la gestion de leur pays. Ils doivent se mobiliser durablement pour prendre toute la place qui leur revient dans l'élaboration des lois, la gestion et le développement du pays. La situation de marginalisation des élites, qu'elles soient en Algérie où à l'étranger, qui dure plus ou moins depuis l'indépendance, ne se réglera pas en une année. Mais, je souhaite qu'en 2011, nos élites compétentes et dotées des qualités humaines et morales nécessaires à l'exercice des responsabilités se mobilisent pour exiger, de façon ferme et argumentée, que les postes de responsabilité leur reviennent. La cooptation destructrice qui a cours entre personnes qui n'ont rien à faire aux postes qu'ils exercent à tous les niveaux de l'Etat, de l'administration et des entreprises publiques doit prendre fin le plus rapidement possible. Les derniers évènements en Algérie et en Tunisie ont montré l'utilité de telles forces et le coût de leur absence. J'ai lancé récemment un appel pour le rassemblement des forces du changement. À dimanche prochain pour l'exposé d'un autre défi. Entre-temps, débattons sur les meilleurs moyens d'avancer vers un avenir de progrès et de prospérité pour tous les algériens. À la tentation du pessimisme opposons la nécessité de l'optimisme !