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Les défis scientifiques du XXIe siècle et leurs enjeux
Où en est le monde musulman et quelles ambitions pour l'Algérie ?
Publié dans El Watan le 19 - 03 - 2007

Le fracas des armes en Irak et alentours, de l'Afghanistan à la Somalie et de la Palestine aux Philippines, l'activisme dévastateur d'El Qaïda et de sa nébuleuse, les débats belliqueux sur le nucléaire iranien et ceux récurrents sur l'action de l'OPEP et le prix du pétrole donnent l'impression que le monde musulman centralise le débat mondial et qu'il s'est enfin remis de sa torpeur ,qui dure depuis sept siècles maintenant, pour reprendre le rang qui lui revient dans le monde.
Mais hélas, et par delà la légitimité absolue de la cause palestinienne et de l'injustice insupportable qui lui est faite, dans ses formes comme dans son contenu et ses ambitions, ce combat est pour l'essentiel d'un autre âge. Car les enjeux de ce siècle se situent manifestement ailleurs, dans l'acquisition du savoir, la capacité à innover et à créer des richesses et ce par l'outil incontournable de notre époque : la recherche-développement (R-D). Ce siècle s'annonce résolument comme celui d'une société de l'immatériel et du savoir et non plus seulement de l'industrie et de l'information. Il est également porteur d'un grave potentiel de conflits pour le contrôle de ressources naturelles vitales mais en voie de raréfaction, eau et énergies fossiles en particulier, comme le montrent clairement déjà les manœuvres en cours sur la scène mondiale : le conflit irakien et les desseins américano-israéliens au Moyen-Orient, l'intérêt soudain et très intéressé de la Chine à l'Afrique mais aussi la récente nationalisation de compagnies pétrolières privées en Norvège ou encore la nouvelle stratégie russe de contrôle total de ses hydrocarbures. Mais au-delà de l'économie, ce siècle sera aussi celui des bouleversements climatiques et des risques avérés d'émergence de pandémies, à l'exemple de la grippe aviaire. Dans ce contexte, seuls s'affirmeront les pays détenteurs d'une large autonomie scientifique et technologique et donc capables de compter d'abord sur eux-mêmes. Car avec la recherche d'aujourd'hui se jouent l'avenir, la souveraineté, la sécurité et la place de tout pays dans un monde de plus en plus globalisé au seul profit des plus puissants et des plus éclairés.
Les nouvelles frontières
La maîtrise des énergies durables, dont le nucléaire, la disponibilité de l'eau, les nanosciences, les biotechnologies, les nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais aussi la maîtrise des sciences sociales et le développement des arts et de la culture sont indispensables pour faire partie de ce que beaucoup considèrent comme une nouvelle ère de l'humanité, une société du savoir et de la connaissance et son corollaire une économie de l'immatériel. Si la prospérité économique reposait sur l'industrie manufacturière des matières premières, les dernières décennies ont vu l'émergence et la confirmation d'une source de richesse considérable, basée sur l'aptitude à innover et à vendre des idées et des concepts. Pour accéder à cette nouvelle et vitale frontière, les puissances traditionnelles, USA, Europe et Japon ont depuis longtemps mis leurs pays en ordre de bataille et investi massivement dans la R-D, à l'exemple de la France qui a voté une ambitieuse loi-cadre sur la recherche et l'innovation dès 1999. Les pays émergents, comme Singapour, Taiwan, la Malaisie et, plus récemment, la Corée du sud, la Chine, l'Inde, et le Brésil ont rapidement suivi en adoptant cette nouvelle dynamique de progrès compétitif à la maîtrise des sciences par la recherche et l'innovation technologique. Cette démarche nouvelle et audacieuse est ressentie, à juste titre, par l'Occident comme un éminent péril à sa suprématie technologique et politique, au point que désormais les USA et l'Europe s'inquiètent de plus en plus ouvertement. Cette inquiétude n'est pas simplement due au fait que ces pays à la main d'œuvre nombreuse et bon marché les inondent de leurs produits textiles, électroniques, automobiles et autres, menaçant ainsi leurs emplois, mais plutôt et surtout parce ces pays ne se cantonnent plus dans l'industrie et la sous-traitance déclassées de l'Occident, et ils investissent désormais aussi massivement et judicieusement dans la R-D. Ce phénomène, qui redessinera certainement à terme la carte économique et politique du Monde, suscite la plus vive des inquiétudes en Europe, comme en témoignent les nombreux articles de presse et éditoriaux qui lui sont régulièrement consacrés par les plus grands journaux et autres médias européens. Ainsi, un récent rapport de l'OCDE (1) indique que la Chine s'est hissée en 2006 au 2ème rang de l'investissement mondial dans la RD, avec 136 milliard d'US$, certes derrière les USA (330 milliards d'US$) mais désormais devant le Japon (130 milliards d'US$). Considérant l'évolution très rapide des dépenses de la Chine en ce domaine par rapport à son PIB (0,6% en 1995 mais déjà 1,23% en 2003) et compte tenu de sa croissance économique phénoménale et durablement établie à deux chiffres, ses investissements en R-D égaleront et dépasserons certainement à terme ceux des USA. Cette tendance est également valable pour d'autres pays émergeants qui, devenus très performants et très attractifs, ont non seulement réussi à juguler l'exode mortel de leurs élites mais ils ont aussi inversé cette tendance en récupérant une bonne partie de leurs universitaires expatriés, tout en attirant désormais des chercheurs étrangers. Dans ces défis scientifiques et leurs enjeux, où en est le Monde musulman et quelles sont les ambitions de notre pays ?
Les chiffres accablants d'un Monde musulman hors de son temps
Des revues scientifiques prestigieuses, dont Science (2) et Nature (3), ont consacré à la R-D dans le Monde musulman et le Monde arabe une série d'articles qui montrent que ces pays, y compris le nôtre, sont tout simplement absents de ce champ de bataille. Dans son éditorial, la revue anglaise Nature note qu'elle s'est trouvée dans l'incapacité de produire une analyse documentée sur ce sujet, les données statistiques étant inexistantes, y compris dans la très riche base de données de l'OCI (Organisation de la Conférence Islamique). Elle note également que lorsque ces données sont disponibles, leur consistance est si faible qu'elles ne peuvent apparaître sur les graphiques des bilans comparatifs établis entre nations. Dans le Monde musulman, 1,3 milliards de personnes réparties sur 57 pays et 3 continents, les dépenses de recherche représentent globalement 0,34% du PIB, bien en deçà de la moyenne mondiale qui est de 2,36% (3-6). Seules la Turquie et la Malaisie s'élèvent à ce niveau, alors que contrairement aux apparences les pays du Golfe n'investissent pas, en moyenne et par ratio au PIB, plus que les pays musulmans dits pauvres, tels le Burkina Faso, le Soudan ou encore l'Ouzbékistan. Quant à l'Algérie, elle aurait investi 0,225% de son PIB durant la période 1996-2003, loin derrière l'Egypte (1,54%) et même le Maroc (0,469%) et la Tunisie (0,344%), aux efforts relativement insuffisants mais largement supérieurs aux nôtres. Les autres indicateurs significatifs pour évaluer la R-D sont les budgets alloués à la formation, le nombre de chercheurs et de techniciens disponibles, les publications scientifiques, les brevets et l'exportation de nouvelles technologies. A l'échelle mondiale, 15 des 20 dernières places en matière de dépenses de formation sont occupées par des pays musulmans. Dans l'ensemble de ces mêmes pays, les données de la Banque mondiale indiquent que le nombre moyen de chercheurs est de 500/million d'habitants, les chiffres algériens ne sont pas disponibles à ce niveau mais selon les déclarations publiques des responsables du secteur (14.000 chercheurs), notre pays est encore plus démuni et se situe à la fois en dessous de la moyenne des pays musulmans et loin derrière la moyenne de 5.000/million d'habitants des pays développés. Le nombre de publications dans les pays musulmans (13/million d'habitants) est également faible par rapport à la moyenne mondiale (137/million d'habitants) que seules atteignent la Turquie et l'Iran. En recherche biomédicale, par exemple, notre pays (370 publications comptabilisées entre 1995 et 2004) se classe derrière le Soudan (421), un pays en guerre depuis des décennies à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières, et loin derrière l'Egypte (5532), le Maroc (2281) et la Tunisie (1994) (7). Quant aux dépôts de brevets scientifiques, la Malaisie occupe une place honorable avec 58% d'exportation de nouvelles technologies, alors que le Maroc et l'Indonésie émergent à peine avec plus de 10%. Notre pays est là aussi absent. En amont, dans la formation supérieure, l'université de Shanghai établit régulièrement un classement, largement reconnu, des 500 meilleures universités du Monde dont certaines dépensent jusqu'à 80 0000 US$/étudiant et par an, soit environ 4 millions de nos centimes par étudiant et par jour ouvrable. Jusqu'à maintenant, aucune université arabe n'a figuré dans ce classement.
Un passé glorieux, un futur des plus incertains
Un récent travail de recherche, utilisant des images de résonance magnétique sur de jeunes volontaires, montre que la région du cerveau qui pense le futur est aussi celle de la mémoire, donc du passé. Ce qui explique de manière spectaculaire pourquoi, sans mémoire et donc sans passé, les amnésiques ne peuvent se projeter dans l'avenir. Le Monde musulman se réfère très souvent à son âge d'or mais dans l'amnésie ou sans analyse sérieuse à la fois des raisons objectives de sa splendeur passée et de la décadence qui l'a suivie, refusant ainsi de considérer son présent, tout en hypothéquant son avenir. Au delà la puissance de sa foi, l'apogée de la civilisation musulmane est directement liée à sa maîtrise des sciences, des arts et de la culture et à ses avancées décisives dans tous les domaines : mathématiques, philosophie, médecine, chimie, astronomie… Ce développement prodigieux a été rendu possible par une ouverture totale sur le Monde et par l'intégration systématique de tout ce qu'il pouvait lui fournir de positif, pour justement se projeter dans l'avenir. La tolérance, le raisonnement critique, la primauté de la science et la liberté de pensée étaient alors la règle des Califes abbassides : Al Mansur, Harun Al Rashid et Al Ma'mun qui, entre 754 et 833, ont posé les jalons du rayonnement qui a permis pendant des siècles à une pléthore de savants, écrivains, poètes et artistes musulmans de briller au firmament et sur tous les registres : Al Razi et El Khawarizmi en algèbre et en trigonométrie, Ibn Rochd en logique et dans la relation religion-science, Ibn Khaldun a qui on doit les bases de la sociologie moderne, Ibn Sina dont l'œuvre monumentale a fait autorité pendant près de 6 siècles en médecine et en philosophie de l'éthique (2,3,7)… Depuis, l'abandon irrémédiable de ses valeurs cardinales par le Monde musulman, et en particulier par les pays arabes, les a plongé dans un repli sur eux-mêmes et dans un immobilisme stupéfiant et suicidaire. Désormais relégués sur le bas côté de l'Histoire, ils regardent impuissants passer le train du progrès dont ils ont été pourtant une puissante locomotive. La gravité de la situation dans le Monde arabe a été clairement confirmée par un rapport signé par un collectif de chercheurs arabes sous l'égide du PNUD en 2003 et qui avait fait à sa sortie beaucoup de remous. Ses conclusions vraiment accablantes ont été abondamment commentées, et nous ne revenons que sur un de ses nombreux constats qui permet de comprendre la situation actuelle : moins d'un étudiant arabe sur 20 suit des études scientifiques contre 1 sur cinq en Corée du Sud qui a produit en 20 ans (1980-2000) 41 fois plus de brevets que les 22 pays arabes réunis.
Construire une Algérie du savoir
Dans une nouvelle série de rapports (8,9) sur le Monde arabe, le PNUD réitère la nécessité préalable de reformes politiques indispensables pour construire une société du savoir, afin de sortir de cette situation réellement catastrophique et d'éviter que nos pays ne soient relégués définitivement au ban des nations, exposant ainsi leurs populations à de graves périls. La société du savoir désigne une société dans laquelle se généralise l'accès à la connaissance et sa diffusion, l'encouragement de la créativité et de l'innovation. La société du savoir est donc bien plus qu'une simple société de l'information. Sa mise en place suppose trois conditions : l'acquisition et la production de la connaissance, la promotion de la femme, et la liberté. En d'autres termes, le respect total de la liberté d'opinion, d'expression et d'association, garanties par un cadre réellement démocratique et par une bonne gouvernance. Le monde Arabe, à quelques rares exceptions près, en reste loin pour le moment mais qu'en est-il de notre pays ? Les signaux qui émanent de nos dirigeants sont très complexes. D'un coté il y a une prise de conscience au plus haut sommet de l'état qu'il est vain de disposer de ressources financières, comme c'est le cas actuellement, sans une société du savoir ou prime la créativité, le travail et l'innovation, seuls capables de prendre en charge les besoins de développements actuels et futurs du pays. D'où le recours, de plus en plus conséquent, à l'importation de technologies et de main-d'œuvre qualifiée étrangères pour gérer des secteurs aussi vitaux et même souverains que l'eau, les aéroports et bientôt nos autoroutes, à la manière des pays du Golfe. Cependant, ça serait une erreur stratégique manifeste pour nos gouvernants de considérer la science et la technologie comme une marchandise quelconque, dissociable à souhait des processus intellectuels de création et d'accumulation et surtout qu'il est moins coûteux de l'acheter que d'y investir. Cette solution n'est que pure illusion et même les pays du Golfe, avides consommateurs de technologies sans en maîtriser les processus, ont fini par comprendre que l'importation à grands frais de sciences et de technologies, aussi avancées fussent-elles, est sans lendemains et n'est profitable que ponctuellement. Car seule leur maîtrise, relevant d'une dynamique volontaire, structurellement inscrite dans la durée et forcément nationale est porteuse de développement. A leur manière, coûteuse mais probablement justifiée par des ambitions nationales très affirmées, les pays du Golfe révisent maintenant profondément leur stratégie de formation supérieure, en signant des partenariats à tour de bras avec de prestigieuses universités internationales : Harvard, Cornell, Princeton, Duke, Columbia, la Sorbonne, qui délocalisent maintenant des annexes pour former à leurs normes mais sur place les élites locales. Ce partenariat est aussi étendu aux activités culturelles et des fleurons de la culture occidentale, tels le musée parisien du Louvre et celui de Guggenheim de New York ouvrent maintenant de véritables filiales au Qatar et aux Emirats. Cette prise de conscience au sommet de notre état se manifeste également par des esquisses de débat sur les " pôles de compétence " à la française ou sur le modèle sud coréen, le projet de construction de la " cité intelligente " de Bouabdallah et même le lancement effectif de l'opération " Ousratic ". Mais sans véritable discussion de fond avec les partenaires concernés : chercheurs, enseignants, société civile et autres. La signature programmée d'un partenariat algéro-français dans l'enseignement supérieur et la recherche scientifique pour créer des " pôles d'excellence " en Algérie, annoncée récemment par la presse, en est une parfaite illustration. Tout cela finit par donner une impression de précipitation ou de réaction à des situations ponctuelles, plutôt que les éléments d'une vision stratégique et pérenne. D'un autre coté, des espaces de liberté conquis depuis 1988 se ferment de plus en plus, les élites sont marginalisées ou continuent de s'exiler, les formateurs du primaire au supérieur ignorés et même leurs représentants intimidés. Les dernières enquêtes statistiques montrant que seulement 18% des femmes accèdent à un emploi et que le taux d'illettrisme de notre société atteint près de 22 % sont aussi édifiantes. Il apparaît, dès lors, que les trois critères éminemment politiques, soulignés par le PNUD comme indispensables au développement d'une société du savoir, restent encore loin d'être réunis dans notre pays.
De véritables ambitions nationales par un projet structurant en R-D
Depuis le retour au calme, et l'aisance financière aidant, notre pays s'est lancé dans un programme de remise à niveau des infrastructures du pays : logements, autoroutes, métro, tramways, aéroports, eau et autres. Bien que sa nature et ses objectifs ne soient pas encore connus, une stratégie industrielle réclamée très justement par nos entrepreneurs est actuellement mise en débat. Dans cette nouvelle dynamique, un projet structurant de mise à niveau de l'université et de la recherche, en particulier la R-D, est un élément déterminant d'un triptyque qui pourra enfin mettre l'Algérie en bonne condition pour affronter ce siècle, encore une fois plein de périls. Car la recherche et l'innovation sont fondamentalement sources de richesse, de création d'emplois et de compétitivité économique. Pour cela des reformes de fond s'imposent dans le secteur de la recherche et dans le système éducatif. Nous ne revenons pas sur le système éducatif qui entretient un échec de masse dont les causes et les effets sont régulièrement dénoncés par les enseignants, les parents et la société civile. Les solutions déjà proposées consistent à simplement appliquer les normes de formation et de fonctionnement admises partout dans le monde. En bref, les postes de responsabilité, promotions et nominations doivent obéir aux seuls critères de compétence et non à l'allégeance à une quelconque chapelle, au dosage régional, ou autres. L'enseignant chercheur doit bénéficier d'un statut digne qui lui permette de se consacrer pleinement à sa mission et non plus à survivre économiquement et, finalement, une bonne gouvernance débarrassée des pesanteurs bureaucratiques. Le pays a une opportunité historique et les moyens d'ouvrir le débat sur le modèle d'organisation de la recherche dont notre pays a un besoin vital. Les grandes lignes d'un projet structurant sont bien connues et appliquées avec succès et à peu de chose près aux USA, en Europe, au Japon et maintenant par les pays émergents. A Taiwan (10), par exemple, la recherche est centralisée dans un Conseil national des sciences, doté de pouvoirs décisionnels effectifs et dirigé par un ministre. Ce CNS bénéficie d'un financement à hauteur de 2,42% du PIB, il définit les grandes orientations de la recherche scientifique et technologique, fixe les objectifs à long terme et les moyens et stratégies pour les atteindre. Il est organisé en douze départements et gère trois parcs (équivalents des pôles de compétence en France). Ses principaux programmes en cours sont les biotechnologies dans l'agriculture et la pharmacie, la réduction des désastres et catastrophes, les nanosciences et la médecine génomique. Ils ont pour support des instituts de recherche, disséminés dans tout le pays. Le rôle des parcs est de réunir recherche fondamentale, recherche appliquée et monde industriel. Le parc le plus important est celui de Hsinshu, devenu mondialement réputé pour ses avancées remarquables dans le domaine des semi-conducteurs et autres circuits intégrés et il emploie 100.000 personnes. La Corée du sud (11), comme la France et l'Allemagne, diffère de Taiwan par une organisation plus décentralisée de la recherche, confiée à différents ministères. Parallèlement à ces organismes de tutelle, le pays a des instituts nationaux de recherches, des centres universitaires et des organismes nationaux de recherche. Le budget global de la recherche avoisine une moyenne de 3% du PIB. Toutes ces entités de recherches communiquent en réseau afin de mutualiser les ressources et les compétences. Les PME et les grandes entreprises ont aussi des structures de recherche propres, sinon elles entrent en partenariat avec les centres universitaires et instituts de recherches. Par conséquent, les éléments d'un projet structurant pour notre pays sont évidents et ne peuvent être que ceux des pays qui réussissent en les appliquant, avec d'abord une volonté politique clairement établie sur la conviction que c'est un domaine vital pour notre pays, à la base duquel se trouve en amont une formation de qualité et en aval une recherche performante. Un investissement conséquent doit rapidement arriver à mobiliser plus de 2% du PIB, dépenses forcément publiques pour le moment car le secteur privé et nos entreprises étatiques sont pour le moment encore loin de ces préoccupations. Mais à l'avenir leur implication structurelle et significative est essentielle. La loi d'orientation de la recherche à programmation quinquennale (2006-2010), actuellement en discussion, doterait le secteur de 100 milliards de dinars, soit environ 270 millions US$/an. Ces dépenses, si elles devaient être effectivement concrétisées, constitueraient un réel progrès par rapport au précédent quinquennat mais elles apparaissent très en deçà des besoins et surtout des normes requises à un développement significatif, aussi bien en valeur absolue que par rapport au PIB, d'autant que le secteur connaît un retard des plus importants en infrastructures, en équipements et en encadrement qu'il s'agit d'abord de résorber par une remise à niveau des plus urgentes. A l'évidence, le relèvement du secteur de la recherche et son recentrage dans l'économie nationale nécessite des efforts très nettement plus importants qui se doivent d'intégrer absolument l'élément humain en position centrale, en consacrant une part conséquente des ressources à la qualité de sa formation et à son perfectionnement. Parmi les mesures préalables : I. la définition d'une politique de recherche cohérente avec des objectifs et des axes clairement établis et priorisés dans une large concertation de tous les partenaires ; II. une réelle remise à niveau et aux normes des infrastructures, des équipements et de l'encadrement ; III. une réorganisation administrative réellement efficiente avec la création d'instituts de recherche et de parcs/pôle de compétences là où c'est objectivement possible ; IV. une politique très volontaire de formation doctorale mais aussi post-doctorale de qualité, étendue et résolument ouverte sur le monde ; V. une consolidation des filières scientifiques dans tous les domaines et notamment dans la qualité de leur encadrement ; VI. une valorisation impérative et conséquente du statut des universitaires et des chercheurs. L'Algérie ne part pas de rien, elle a des ressources humaines relativement importantes, constituées d'élites plurielles et de qualité, à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Mais à l'écart forcé pour les unes ou dans l'expectative pour les autres, faute d'un environnement politique et professionnel approprié et non par manque d'expertise, de volonté ou encore de patriotisme. La société algérienne est bien connue par son dynamisme et sa jeunesse enthousiaste. Elle relèvera sans aucun doute les défis de ce 21ème siècle, pour peu que les conditions structurelles qui dévalorisent la formation et le travail et bloquent la R-D soient effectivement levées. Ces conditions seront l'aboutissement d'une transition urgente et salutaire d'un fonctionnement autoritaire et dirigiste à un fonctionnement démocratique où les décisions seront prises en concertation avec les plus larges segments de la société, dont les élites justement, afin de permettre enfin au génie algérien de donner la pleine mesure de ses immenses et multiples talents dans son propre pays.
Les auteurs sont : (*) enseignant-chercheur, directeur de laboratoire de recherche en Algérie. (**) médecin-chercheur, directeur de département de recherche à l'étranger
Références :
1. Perspectives de l'OCDE de la science, de la technologie et de l'industrie, éd. 2006. at http://www.oecd.org/document/61/0,2340,fr_2649_34273_37743997_1_1_1_1,00.html
2. Global voices of science. Science in the Arab world : vision of glories beyond. Science. 2005 Jun 3 ; 308(5727):1416-82.
3. Islam and Science. Nature. 2006 Nov 2 ;444(7115)
4. Statistical, Economic and social research and training centre for Islamic countries http://www.sesrtcic.org/statistics/bycountry.php
5. UNESCO Statistics Division at http://stats.uis.unesco.org/ReportFolders/reportfolders.aspx
6. World Development indicators (WDI), 2006 at http://devdata.worldbank.org/wdi2006/contents/index2.htm
7. Arab science in the golden age (750-1258 C.E.) and today. FASEB J. 2006 Aug ;20(10):1581-6.
8. Towards Freedom in the Arab World at http://rbas.undp.org/ahdr2004.shtml
9. Empowerment of Arab Women at http://hdr.undp.org/reports/detail_reports.cfm ?view=1110
10. L'organisation de la recherche à Taiwan http://www.fi-taipei.org/article.php3 ?id_article=460
11. L'organisation de la recherche en Corée du sud http://www.anrt.asso.fr/fr/innovation/repere_innovation.jsp ?index=5
Bouchama Abderrézak, Bousseboua Hacène


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