Il ne reste plus guère de temps à Laurent Gbagbo pour quitter le pouvoir pacifiquement et honorablement en Côte-d'Ivoire, a estimé vendredi l'ambassadeur des Etats-Unis dans ce pays, prédisant que l'armée finira par lâcher le président sortant. “La fenêtre est en train de se refermer pour un départ honorable et pacifique de Gbagbo accompagné d'une amnistie”, a averti devant la presse l'ambassadeur Phillip Carter, lors d'une visite à Washington. M. Carter a souligné que M. Gbagbo n'avait plus les moyens de payer les forces armées ivoiriennes et que celles-ci allaient inéluctablement s'éloigner de son régime. Il a toutefois reconnu qu'il ne pouvait prédire à quelle date M. Gbagbo laisserait la place à son rival Alassane Ouattara, vainqueur reconnu par la communauté internationale de l'élection présidentielle du 28 novembre. Les exportations de cacao, principale ressource du pays, se sont taries après l'appel au boycott lancé par M. Ouattara. Selon M. Carter, M. Gbagbo en est réduit à “voler” des entreprises par le biais d'extorsion d'argent afin de payer les salaires des militaires. “Gbagbo existe pour une seule raison : il a le soutien des forces armées. C'est tout. S'il ne peut les payer, que vont-elles faire ? Vont-elles rester loyales ?” s'est interrogé l'ambassadeur. À New York, le chef de l'opération de maintien de la paix de l'ONU dans le pays (Onuci), Choi Yong-Jin, a également estimé vendredi que M. Gbagbo rencontrait des difficultés croissantes pour payer les fonctionnaires, et que l'arrêt des financements africains pourrait favoriser M. Ouattara. “En décembre, il (Laurent Gbagbo) a payé tout le monde. En janvier, il a retenu les salaires des enseignants et les pensions des retraités. Nous ne savons pas si c'est un retard. Nous devons observer de près comment cela évolue”, a expliqué M. Choi à des journalistes, après avoir exposé la situation au Conseil de sécurité de l'ONU. Sept ministres des Finances de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) ont demandé, le 23 décembre, à la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO), d'autoriser uniquement les représentants de M. Ouattara à gérer les comptes du pays. La Côte-d'Ivoire n'a ni monnaie propre ni banque centrale. Les seules ressources de Laurent Gbagbo proviennent désormais des exportations de cacao et des profits tirés de l'exploitation du port d'Abidjan. Par ailleurs, le camp du président ivoirien sortant Laurent Gbagbo a appelé vendredi ses partisans à un meeting hier à Abidjan pour dénoncer la présence du chef de l'Etat burkinabè Blaise Compaoré au sein du panel de l'Union africaine chargé de dénouer la crise ivoirienne. Il s'agit d'“un meeting pour la dignité de l'Afrique, pour dire non à l'arrivée de Blaise Compaoré ici à Abidjan au sein du panel”, a expliqué sur les ondes de la télévision publique RTI Charles Blé Goudé, leader des “jeunes patriotes” pro-Gbagbo. “Nous nous réunissons demain pour récuser ceux qui sont le mal de l'Afrique”, a-t-il dit. “Le président burkinabè a donné gîte et couvert aux rebelles” qui ont tenté un coup d'Etat en 2002 contre M. Gbagbo, a accusé Charles Blé Goudé. Puis, après avoir été médiateur (“facilitateur”) du processus de paix ivoirien de 2007 à 2010, il est “passé au stade de +complicateur+” en appelant à une force africaine “pour attaquer la Côte-d'Ivoire”, a affirmé M. Blé Goudé. Selon lui, “Blaise Compaoré n'est que le masque, derrière lui il y a Nicolas Sarkozy”, le président français. L'Union africaine a mis en place fin janvier un panel de cinq chefs d'Etat africains, dont M. Compaoré, chargé d'ici à la fin de février de préparer des décisions “contraignantes”.