Résumé : Sur insistance de son fils aîné, Fettouma finira par louer le premier étage de la grande maison à quelques étudiantes venues de l'intérieur du pays. Cependant, elle posera ses conditions et veillera à ce que ses jeunes filles, encore naïves, ne se fassent pas avoir. 79eme partie Fettouma veillait au grain. Ces jeunes filles sont sous sa responsabilité. Cela l'occupait et l'honorait, mais elle doit déployer d'énormes efforts pour avoir à l'œil toute cette armada de jeunes écervelées. Quelques-unes épilaient leurs sourcils en arcades, laissant à peine un trait visible au-dessus de leurs paupières, d'autres s'étaient coupé les cheveux à la garçonne selon la mode en vogue, d'autres encore se maquillaient sans vergogne, en accentuant les traits des crayons autour des yeux, qu'elles rehaussaient de fards à paupière aux tons vifs. Leurs ongles étaient longs et limés, et souvent recouverts d'une épaisse couche de vernis écarlate. Fettouma les regardait sortir le matin accoutrées de pantalons “pattes d'éléphant” ou de jupes courtes qui leur arrivaient à peine au-dessus des genoux. Elle fera des remarques à plus d'une et rappellera à l'ordre les plus réticentes. Tant qu'elles seront sous son toit, elles ne doivent pas dépasser les normes de la décence. Pour qui va-t-on les prendre donc ? Il est vrai que l'époque a évolué, mais Fettouma estimait que tout ce maquillage tape-à-l'œil et ces tenues extravagantes n'auguraient rien de bon. Elle menacera donc de mettre à la porte les plus “indisciplinées”, et sa menace ne tardera pas à faire de l'effet. Les filles atténuèrent leur maquillage et s'habillèrent plus décemment. La maison de Fettouma passera alors pour l'une des plus “sérieuses” du quartier. Ici on ne badine pas avec les mœurs. Libre à celles qui n'admettent pas ces idées qu'elles jugent rétrogrades, d'aller habiter ailleurs, où les principes ne sont pas du tout les mêmes. La réputation de Fettouma est si grande que des parents accompagnaient souvent leurs filles pour la supplier de leur louer un petit carré dans sa maison. Ils lui avouaient souvent, qu'ils seraient plus tranquilles de les savoir chez elle, où ils savaient qu'elles étaient en totale sécurité. À ce rythme, Fettouma finira par louer la plupart des pièces du premier étage. Elle garda cependant celles du rez-de chaussée pour la famille. Nacer avait sa chambre, Meriem qui rendait visite à sa mère de temps à autre avait aussi la sienne, et Rachid qui passait la plupart des fêtes et des grands événements dans la grande maison, avait deux autres pièces à sa disposition. Fettouma recevait aussi ses sœurs et ses neveux. Malika, sa belle-sœur qui était aussi grand-mère, lui rendait souvent visite. Fettouma avait tenu à ce que cette dernière ait sa part intégrale de l'héritage. Malika refusa au début, arguant du fait qu'elle était à l'abri du besoin. Mais Fettouma insista. Malika était la fille de Si Tayeb, et la sœur de Mahmoud. Elle est aussi la seule tante paternelle de ses enfants. Malika finira donc par accepter une part des revenus de la location du premier étage, dont la moitié des chambres lui revenaient de droit. Une rente annuelle lui sera aussi versée sur les revenus des magasins. Fettouma avait donc la conscience tranquille de ce côté-là. Elle craignait Dieu et respectait les vœux des anciens. (À suivre) Y. H.