Politique nationale de santé, système de santé, carte sanitaire, régions sanitaires, districts sanitaires, programmes nationaux, régionaux, locaux, conseils, commissions… Le secteur de la santé a été complètement disséqué. Les intervenants seront aussi nombreux que les malades en souffrance. Lavant-projet de loi sanitaire, que des parties anonymes ont tenu à faire dévoiler aux syndicats autonomes de la santé, promet un véritable bouleversement dans le secteur. Des changements en profondeur et des nouveautés, pas forcément très positifs pour tous les patients et les professionnels, y sont prévus à la lumière des 492 dispositions que compte l'avant-projet. En fait, l'élaboration d'une nouvelle loi sanitaire met de l'eau dans le moulin des syndicats du secteur qui n'ont de cesse de réclamer la refonte d'un système obsolète qui a montré ses limites. Un cri d'urgence qui a tardé pour résonner dans les bureaux des nombreux ministres, qui se sont succédé à la tête de ce département. Si le texte venait à être “reconnu”, ce qui constituerait par ricochet un aveu d'échec tant rejeté, bien des choses vont changer. Du moins, en se référant au contenu de l'avant-projet. Précisant d'emblée que “le système national de santé doit être organisé pour prendre en charge les besoins en santé de la population de manière globale, cohérente et continue”, le texte note que le système national de santé est caractérisé par une planification sanitaire ; un schéma d'organisation des coopérations, des activités et des structures de santé publiques et privées ; l'intersectorialité dans l'élaboration et la mise en œuvre de l'action sanitaire et des programmes de santé; la complémentarité du médical et du social… Art 242 : l'organisation du système national de santé est basée sur les principes d'universalité, d'égalité d'accès aux soins, de solidarité, d'équité et de continuité des prestations de santé. De larges prérogatives pour le ministre de la santé Le ministre de la Santé a la charge d'organiser le système de santé et de surveiller toutes les dépenses y afférentes même celle des autres secteurs. “Les attributions et les missions du ministère chargé de la Santé et les fonctions du ministre chargé de la Santé portent sur tous les domaines de compétence du gouvernement liés à la promotion, l'amélioration, la protection, l'évaluation, la surveillance, ainsi qu'au maintien ou au rétablissement de la santé de la population… et l'exécution de toutes les lois”, stipule l'article 10. En un mot, le texte accorde de larges prérogatives au ministre de la Santé. C'est lui qui décide de tout ce qui touche de près ou de loin à la santé. Il se fait, tout de même, assister par des professionnels siégeant au niveau de diverses structures qui verront le jour. La principale est le “Conseil supérieur de la santé composé par des membres de droit et un collège d'experts qualifiés couvrant les différents domaines liés à la santé”. Et c'est à ce conseil qu'échoit l'élaboration de la politique nationale de santé et la proposition d'une liste des priorités sanitaires. Et la loi ne s'arrête pas là. Elle compte encore plusieurs autres intervenants dans le domaine de la santé qui a été complètement disséqué. Entre une politique nationale de la santé, des programmes nationaux, régionaux et locaux supervisés par différents organismes, agences régionales de santé, agences de districts sanitaires, le patient aura certainement du mal à retrouver sa santé. Mais sera contraint, en cas de maladie, de faire le tour des structures sanitaires à l'exception de l'hôpital qui ne s'ouvrira qu'en cas d'urgence. L'article 41 stipule : “Sauf urgence médicale, le recours à une structure de soins de base publique ou privée est obligatoire avant l'accès à un établissement hospitalier public. L'organisation de la régulation de la consommation en soins est fixée par voie réglementaire”. Il faut savoir aussi que les établissements publics de santé seront érigés en établissement public à caractère sanitaire et, par conséquent, leurs prestations seront payantes. (art 307) Révisée tous les cinq ans, la nouvelle carte sanitaire qui constitue l'instrument technique de mise en œuvre du schéma national d'organisation sanitaire est établie au niveau national et au niveau des régions sanitaires. Ces dernières sont constituées de l'ensemble des établissements publics de santé, des structures et établissements de santé privés situés dans une aire géographique pouvant concerner une ou plusieurs wilayas. La wilaya regroupe l'ensemble des districts sanitaires existants sur son territoire. Le district sanitaire est, quant à lui, formé des établissements publics et privés de proximité et d'au moins un établissement public hospitalier de référence. Ce dernier doit comprendre au minimum des services de médecine générale, de chirurgie générale, pédiatrie, de gynécologie obstétrique et les plateaux techniques nécessaires à leur fonctionnement. La liste des établissements de première référence dans les grandes agglomérations urbaines et dans les districts sanitaires du Grand-Sud sera établie selon des dispositions particulières. Rapports et contrôle des dépenses de la santé Evoquant les ressources de financement du système de santé, l'avant-projet note que celles-ci “sont budgétisées annuellement dans le cadre de la loi des finances”. Et sur ce plan, le ministre a toutes les prérogatives de contrôle puisque il “est obligatoirement consulté sur l'ensemble des actions et dépenses, engagées par les autres secteurs, qui ont un rapport direct et indirect avec la santé de la population”. Il est aussi appelé à “assurer les arbitrages des dépenses de santé à l'intérieur du système national de santé”. Pour garantir une meilleure transparence dans l'utilisation des fonds destinés à la santé, le texte reconnaît au Parlement un droit de regard sur l'utilisation de ces ressources. Des comptes appelés “Les comptes nationaux de la santé” qui ont pour “objet de dresser la liste exhaustive des ressources financières consacrées à la santé et de fixer les modalités de leur utilisation” sont présentés au Parlement. Conformément à l'article 13 : “Le gouvernement élabore et présente à l'Assemblée populaire nationale, chaque année, compte tenu des priorités pluriannuelles qu'il détermine, un rapport sur la politique de santé pour l'année suivante”. Les médicaments disponibles en tout temps et en tout lieu L'article 369 de l'avant-projet insiste sur la disponibilité des produits pharmaceutiques dont le médicament. “L'Etat veille à leur disponibilité en tout temps et en tout lieu du territoire national”. L'Etat a également la charge de définir la politique pharmaceutique nationale qui “est partie intégrante de la loi sanitaire” et encourage la production nationale, la recherche et le développement pharmaceutique. La liste nationale des médicaments essentiels est arrêtée par “le ministre chargé de la Santé sur proposition d'un collège d'experts en médecine, en pharmacie, en pharmacologie clinique, en toxicologie, en biologie, n'ayant aucune activité ou fonction professionnelle, ou relation familiale susceptible de constituer un conflit d'intérêt conformément aux usages internationalement acceptés”. La fabrication, l'importation, l'exportation et la distribution en gros des produits pharmaceutiques sont conditionnées par une autorisation du ministre de la Santé. Aussi, tout produit pharmaceutique local ou importé doit faire l'objet avant sa distribution d'une décision d'enregistrement délivrée par le ministre chargé de la Santé. “Celle-ci est délivrée pour une durée de cinq années et le demandeur doit déposer une demande” assujettie au versement d'un droit dont le montant est fixé par voie législative. “Conformément à l'article 378, une agence nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine verra le jour. La loi n'en dit pas plus. Il est, par ailleurs, prévu la création d'un centre national de pharmacovigilance et de matériovigilance” chargé, entre autres, de recenser les effets indésirables induits par l'usage des produits pharmaceutiques et aussi d'un laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques ainsi qu'un centre national de toxicologie. Droit au recours pour les patients Autre nouveauté introduite par la nouvelle loi dans son article 40 a trait à l'option de recours accordé désormais à toute personne dont un droit a été violé. Ces personnes peuvent s'adresser à la commission de conciliation et de médiation mise en place dans chaque établissement de santé et peuvent aussi déposer un recours au niveau de la commission de surveillance des professions de la santé créée auprès de l'agence régionale de santé. Il est à noter, enfin, que l'avant-projet évoque plusieurs autres volets liés au domaine de la santé. La greffe et la transplantation d'organes, la violence contre les femmes et les enfants, l'assistance médicale à la procréation, la recherche biomédicale, protection et promotion de la santé de la mère et infantile, action de prévention concernant les futurs conjoints et parents, la santé des adolescents et des personnes du troisième âge, la santé scolaire, en milieu carcéral, au travail et en situation de catastrophe… L'avant-projet de loi, dont la tutelle nie l'existence, énumère enfin une série de dispositions pénales à l'encontre de tout contrevenant aux dispositions des différents chapitres de la loi.