Résumé : Fettouma reçut la visite d'une jeune femme, qu'elle eut du mal à reconnaître. Cette dernière n'est autre que l'infirmière venue des années plus tôt lui annoncer la mort de Mahmoud. C'est une rescapée de la grande révolution, qui portait sur elle les séquelles de la torture. 81eme partie La femme entrouvrit son chemisier : - Et ce n'est pas tout, regarde : Elle exhibe ses seins, et Fettouma réprime encore un autre cri. Les mamelons de la jeune femme avaient aussi été coupés. - Je n'ai pas encore quarante ans, mais mon corps ne peut plus servir à grand-chose. Je ne peux ni me marier, ni avoir des enfants. J'ai été emprisonnée, violée, torturée, blessée et humiliée dans ma profonde intimité. Je ne suis plus qu'une loque ambulante, mais (elle pousse un long soupir) el hamdoullilah. Nos sacrifices n'ont pas été vains. Les futures générations, n'auront pas à avoir honte de nous. Fettouma reprend ses esprits : - Oh ! ma chère amie. Oh ! je... Je ne connais même pas ton prénom… - Nacéra. - Nacéra, tu portes le prénom de la victoire. Elle l'attire vers elle et la serre dans ses bras : - Comme je suis heureuse de te revoir, ma chère Nacéra, tu as bien fait de taper à ma porte. Nacéra hoche la tête : - En fait, c'était par pure coïncidence. Je cherchais un petit quelque chose à louer. Une pièce ou deux et on m'a orientée chez toi. - Tu veux dire que tu veux habiter chez moi ? - Oui, oh, j'ai le logement de mes défunts parents certes. Mais mon frère s'est marié et je ne m'entends pas bien avec son épouse, tu comprends ? Fettouma acquiesce : - Parfaitement ma chérie, ma maison est à toi, tu y seras la bienvenue. Oh ! comme tu me rends heureuse, Nacéra, tu es la dernière à avoir vu mon cher mari en vie. Nacéra ébauche un sourire : - Oui, je me rappelle son jeune visage innocent, et si expressif. Il t'aimait Fettouma, il t'aimait. Fettouma sentit les larmes inonder son visage : - Je l'aimais moi aussi, te l'ai beaucoup aimé, et à ce jour, je ne cesse de penser à lui. Si au moins on avait pu lui donner une sépulture, ou l'enterrer auprès des siens. - Qu'à cela ne tienne ma chère Fettouma, je crois que nous allons arranger tout ça dans les années à venir. Je pense que l'Etat va nous aider à récupérer les restes de tous les chouhada afin de les enterrer dignement dans le carré des Martyrs. - Mais comment va-t-on faire ? Il ne doit plus rester de leur corps que des ossements. - Certes, mais nous nous souvenons de certaines fosses communes où nous avons enterré à la hâte quelques combattants. Parmi eux, il y avait Mahmoud. Je me rappelle qu'il portait encore un treillis, et des godasses lorsqu'on l'avait mis en terre avec quatre autres compagnons. Nous les avons enterrés sous un olivier centenaire, qui se trouve à la lisière de Fort-National. Fettouma demeure bouche bée un moment avant de lancer : - Tu veux dire que je pourrais récupérer le corps de mon mari ? Oui, mais je ne sais pas si on va retrouver une trace pour le reconnaître, le temps a dû faire des siennes. - Oh ! Mahmoud, pourrais-je un jour venir pleurer sur ta tombe ! - Nous allons faire de notre mieux, pour retrouver le maximum de nos compatriotes. Les moudjahidine qui sont revenus du maquis y tiennent beaucoup. Ce n'était pas de gaîté de cœur que nous avons laissé d'autres corps se décomposer en pleine nature. Souvent, nous n'avions pas le temps de nous en occuper. Des ossements ont été retrouvés un peu partout à travers tous les maquis du pays. Mais pour ceux-là, il n'y aura qu'une seule sépulture celle du “soldat inconnu”. Nous allons ériger des stèles qui porteront tout de même les noms de tous ceux qui sont tombés au champ d'honneur. (À suivre) Y. H.