Résumé : La maison de Fettouma a vite fait d'avoir une respectable réputation. La vieille femme était exigeante sur les principes, si bien que des parents venaient souvent lui demander d'héberger leurs filles. Entre-temps, elle avait tenu à ce que chaque membre de sa famille ait sa part d'héritage y compris sa belle-sœur Malika. 80eme partie Malika se rendit à La Mecque et Fettouma se promit aussi de faire un pèlerinage une fois qu'elle aura marié Nacer. Mais quand. ? Aura-t-elle le temps de le voir père ? Ce jeune fou n'avait d'yeux pour le moment que pour son travail et ses recherches. Fettouma avait espéré qu'il finirait par faire son choix parmi les jeunes étudiantes qui habitaient sa maison. Mais c'était compter sans le caractère un peu acariâtre – hérité peut-être de sa grand-mère paternelle – de Nacer. 1978-Nacéra Un jour, Fettouma qui revenait du marché reçut la visite d'une femme qui paraissait encore jeune mais que les épreuves avaient marquée. Le visage ne lui était pas inconnu, mais elle eut du mal à se souvenir de qui il s'agissait. La femme boitait légèrement en s'aidant d'une longue canne en bois. Elle était habillée d'un chemisier à manches longues et d'une longue jupe qui lui arrivait aux chevilles. - Bonjour Fettouma, puis-je entrer ? Fettouma lui ouvrit toute grande la porte de sa maison : - Bien sûr, ma sœur, sois la bienvenue. - Tu ne m'as toujours pas reconnue hein ? Fettouma la dévisage encore. Non, elle n'arrivait pas à retrouver ce visage dans sa mémoire. Les cheveux courts et grisonnants de la femme ne lui disaient rien, et puis cette profonde cicatrice qui lui barrait la joue gauche… Mais ces yeux, cette voix …. Fettouma invita la femme à la suivre à l'intérieur de la maison et l'installa confortablement dans la grande pièce. Elle prépara un café et vint s'asseoir auprès de son invitée. Cette dernière gardait le silence. Elle dévisagea encore Fettouma, puis sourit : - Tu n'as pas beaucoup changé ma chère Fettouma. Des années sont passées depuis notre dernière entrevue…. - Notre entrevue, tu veux dire qu'on s'était déjà rencontrées. ? - Oui, dans cette même maison. D'ailleurs, je n'étais pas sûre de t'y retrouver. Fettouma reçut un coup de poignard dans sa poitrine : ça y est, la mémoire lui revint. Cette jeune femme n'est autre que la jeune infirmière venue des années plutôt lui annoncer la mort de Mahmoud. La surprise était telle qu'elle faillit lâcher sa tasse de café. - Non, ce n'est pas vrai, après toutes ces années. - Mais si, c'est vrai Fettouma, après toutes ces années comme tu le dis, le destin nous réunit encore une fois. Mais cette fois-ci, que Dieu m'en préserve, je ne suis pas venue t'annoncer une mauvaise nouvelle. Fettouma sentit ses yeux se mouiller. Cette infirmière était une rescapée du passé. Une rescapée de la guerre. Et cette dernière a laissé apparemment de profondes séquelles sur elle. Elle se met encore à la dévisager et passe une main sur la profonde cicatrice qu'elle avait au visage. La femme hoche la tête : - Des blessures de guerre, les séquelles de la torture. Elle relève sa jupe, et lui montre son pied. Fettouma réprime un cri. Les orteils de la femme avaient été sectionnés. Un trait net et précis en marquait la lisière. C'était donc pour cela qu'elle boitait. (À suivre) Y. H.