Si dans la majorité des localités de la wilaya de Tizi Ouzou des efforts en matière de développement sont plus ou moins palpables en dépit des insuffisances toujours existantes en grand nombre, à Ben Yenni, cette daïra située à 45 kilomètres au sud-est du chef-lieu de wilaya, c'est, par contre, la fameuse expression de “l'avancée à reculons” en matière de développement qui prend tout son sens. “Ben Yenni est une localité qui rame à contre-courant du développement pour ne pas dire tout simplement que le développement n'est pas passé par là”, nous dira un élu local qui guettait une petite occasion pour étaler quelques doléances de citoyens au wali, Abdelkader Bouazghi, en visite d'inspection dans les deux daïras de Ben Yenni et Ouacifs. Mais les doléances sont nombreuses, les blocages autant. Les cris de détresse fusent de partout. Dans chaque endroit visité de cette région des plus déshéritées. “Nous sommes en chômage, donnez-nous de l'emploi”, est la récurrente expression qui revient sur les langues de tous ces jeunes dont on sent facilement le désarroi et le désespoir monter du fond des entrailles. Le wali est parfois même submergé par le nombre des citoyens qui espèrent être écoutés. Bien que le malaise soit profond, il tente, à chaque halte, de rassurer les habitants. Ils n'hésitent surtout pas à faire sortir des cartons jaunes. Il tente aussi de situer les responsabilités tout en donnant de nouvelles orientations de nature à huiler quelque peu la machine. “Il y a des contraintes objectives mais il faut reconnaître qu'il y a aussi des problèmes de méthode de gestion”, fait remarquer le premier magistrat de la wilaya non sans ajouter qu'“être trop conformiste c'est verser dans la bureaucratie et cela pénalise le citoyen”. En prononçant ces phrases, le wali ne cachait pas sa colère à sa découverte qu'un projet de 38 locaux pour la commune est inscrit en 2007 et ses travaux sont encore au stade de balbutiements alors que le choix de l'entreprise a été effectué depuis maintenant 8 mois sans toutefois pouvoir entamer les travaux à cause justement de la bureaucratie que lui appliquent ceux que les citoyens nomment à Ben Yenni, tout comme partout ailleurs, de “petits responsables qui bloquent”. Un autre projet, celui de 100 logements PSL, a connu bien des péripéties avant qu'il ne soit entamé alors qu'il était inscrit en 2000. À Ben Yenni, le développement ne stagne pas tout simplement. Même les anciens acquis n'échappent pas au péril. C'est le cas de la célèbre auberge de jeunesse qui se retrouve complètement abandonnée, inexploitée, en perpétuelle dégradation. En somme dans un piteux état. La bijouterie de Ben Yenni n'échappe pas au marasme. La maison de l'artisanat est dans un état déplorable. Les bijoutiers l'ont désertée. “Le métier se meurt”, nous explique un artisan avant d'étaler les nombreuses contraintes auxquelles ils font face quotidiennement. Ce n'est qu'à Ouacif, la daïra mitoyenne, que le wali et la délégation qui l'accompagne ont repris un peu le sourire, soit à l'inauguration de quelques projets dont la bibliothèque municipale et le nouveau centre de formation professionnelle flambant neuf à l'entrée de cette petite ville, ainsi que quelques locaux professionnels à Aït Boumahdi et Aït Toudert où de nombreux jeunes sont venus interpeller le wali sur le chômage qui ne cesse de les ronger. En tout cas, l'on ne quitte pas Ben Yenni et Ouacif sans être intrigué par ce contraste visible à l'œil nu entre la réalité vécue par les habitants de ces régions et le discours officiel développé dans les salles de réunion de la wilaya.