Malgré l'échec des précédentes tentatives de renouer le contact avec Alger, le chef de la diplomatie marocaine est revenu à la charge mardi en lançant en direction des autorités algériennes “oublions le passé”, après avoir accusé l'Algérie et le Front Polisario de vouloir déstabiliser le Maroc en utilisant les manifestations qui secouent le monde arabe. S'agit-il d'une volonté sincère de réconciliation ou d'une nouvelle manœuvre dans le but de gagner encore du temps sur le dossier du Sahara occidental, où Rabat redouterait de nouvelles tensions en ces temps de soulèvements populaires secouant le monde arabe ? La question mérite d'être posée, car avant d'appeler l'Algérie à oublier le passé, le chef de la diplomatie marocaine a affirmé que l'Algérie et le Front Polisario pourraient utiliser les soulèvements populaires qui secouent plusieurs pays du monde arabe pour attiser des troubles dans cette région disputée. “Les ennemis de l'intégrité de notre territoire vont probablement utiliser les manifestations dans le monde arabe pour mettre en avant leur programme”, a déclaré en substance le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïeb Fassi-Fihri, à la télévision publique El Oula, avant d'ajouter que “le Polisario et l'Algérie cherchent à créer des troubles dans cette région”. Juste après, Fassi-Fihri change son fusil d'épaule et exhorte l'Algérie à tourner la page des querelles du passé et à se concentrer sur un renforcement de la coopération économique dans la région. “Oublions le passé”, a-t-il lancé en direction des responsables algériens. Cela étant, Rabat, qui redoute réellement des manifestations populaires, suite aux appels diffusés sur le réseau social Facebook à une manifestation pacifique géante dimanche prochain à Rabat pour des réformes politiques au Maroc et le rétablissement de “la dignité du peuple marocain”, a annoncé mardi, par la voix de son Premier ministre, Abbas El-Fassi, une série de mesures pour atténuer une tension perceptible dans plusieurs secteurs socioéconomiques. Ce dernier a indiqué que 15 milliards de dirhams, soit 1,4 milliard d'euros, supplémentaires seront injectés à la caisse de compensation du Maroc pour pallier toute autre hausse de prix de produits de première nécessité. Ces nouveaux fonds s'ajouteront aux 17 milliards de DH prévus par la loi de finances 2011 déjà injectés dans la caisse. Dans le même registre, le chef du gouvernement marocain a souligné avoir informé les dirigeants de ces partis de la mobilisation du gouvernement pour satisfaire les doléances des diplômés chômeurs en matière d'emploi, notant qu'un effort sera déployé dans ce domaine pour dépasser ce qui a été réalisé lors des années 2008, 2009 et 2010. Pour rappel, environ un millier de diplômés chômeurs avaient manifesté jeudi soir dernier dans la capitale marocaine pour réclamer leur intégration immédiate dans la Fonction publique. Les diplômés chômeurs, actuellement au nombre de 2 100, manifestent régulièrement depuis plusieurs années à Rabat. Le taux de chômage au Maroc a atteints 9,1%, en 2010, selon le Haut-Commissariat au plan marocain (HCP). Celui des jeunes diplômés est de l'ordre de 18%, ajoute-t-on. Quant au dialogue social avec les centrales syndicales les plus représentatives, Abbas El-Fassi a indiqué qu'une commission ministérielle se penche actuellement sur les doléances des centrales syndicales avant la prochaine réunion avec ces syndicats pour apporter des solutions aux points inscrits à l'ordre du jour. Depuis le début de février, des appels sont lancés quotidiennement par des jeunes sur Facebook pour des réformes politiques au Maroc, la démission du gouvernement, la dissolution du Parlement et le rétablissement de “la dignité du peuple marocain”. En réponse à ces appels à des manifestations pacifiques, le porte-parole du gouvernement, ministre de la Communication, Khalid Naciri, avait indiqué que “les citoyens peuvent s'exprimer librement (...) tant que cela se déroule dans le plein respect des intérêts vitaux” du pays. Le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole d'Afrique du Nord, a été annexé par le Maroc en 1975, déclenchant une rebellion menée par le Front Polisario. Un cessez-le-feu a été conclu en 1991 sous l'égide des Nations unies, mais aucun accord politique entre Rabat et les indépendantistes n'a été trouvé. Rabat propose l'autonomie au Sahara dans le cadre de la souveraineté marocaine. Le Polisario réclame un référendum avec comme option possible l'indépendance de la région.