Alors qu'il appelle à un règlement politique de la question, Mohamed VI a recours aux manifestations de rues, dans l'espoir de rallier à sa cause la communauté internationale. Devant l'échec de sa diplomatie à convaincre de la justesse de ses thèses expansionnistes, le souverain chérifien change son fusil d'épaule et se met dans la peau de l'agressé. C'est, du moins, ce qui ressort de la marche “populaire” de dimanche à Casablanca, revendiquant la libération des prisonniers de guerre marocains détenus par les forces du Front Polisario. La manœuvre est à mettre à l'actif d'un collectif dénommé “Watanouna”, sorti on ne sait d'où, au moment opportun, pour donner du crédit à cette affaire des prisonniers marocains, oubliée depuis deux décennies et réactivée pour des nécessités de l'heure. Encore une fois, c'est l'Algérie qui est livrée à la vindicte populaire marocaine. Elle est désignée comme l'unique responsable de cette situation, alors que le peuple sahraoui possède des institutions et une armée qui défendent ses intérêts. Ne reculant devant rien, les initiateurs de cette nouvelle et grossière manœuvre vont jusqu'à motiver leur démarche par le souci de se solidariser avec leurs “compatriotes séquestrés par le Polisario”, à Tindouf. Il faut comprendre par là qu'il s'agit des Sahraouis qui ont fui la répression sauvage des forces armées royales marocaines, pour se réfugier dans des campements en Algérie. Le mot d'ordre était de mettre l'Algérie au centre du problème, comme le montrent si bien les slogans scandés par les manifestants : “L'Algérie se mêle de ce qui ne la regarde pas, le Sahara est marocain”, ou “Regarde et témoigne ô monde, il y a des séquestrés à Tindouf”. Tout indique que Mohamed VI a adopté une nouvelle stratégie pour donner davantage de crédibilité à sa thèse aux yeux de l'opinion publique internationale. Ce message était adressé en premier lieu à “l'ONU, à Kofi Annan, au Haut-Commissariat pour les réfugiés pour protester contre les terribles conditions de détention, non seulement des prisonniers, mais aussi des séquestrés”, selon le leader de l'Union socialiste des forces populaires, Al Yazghi. Il semblait tellement convaincu par ce qu'il disait qu'il n'a pas manqué d'ajouter que cette marche “est la preuve que le Maroc gagnera son combat”. Tous les chefs des partis politiques du royaume ont répondu à l'appel, afin de montrer la solidarité existant au Maroc autour de cette question. Cette nouvelle manœuvre vient contredire le discours royal apaisant vis-à-vis de l'Algérie, que le monarque marocain livre à chacun de ses messages au Président Abdelaziz Bouteflika. Elle contraste également avec son souhait et ses gestes, suppression du visa pour les Algériens et volonté de rouvrir les frontières maroco-algériennes, visant à normaliser les relations entre les deux pays. Les difficultés économiques que connaît la monarchie, avec la hausse des prix du pétrole, sont peut-être une des raisons de cette agitation soudaine. K. A.