Comme nous l'avions révélé dans notre précédente édition, l'ouverture du capital des clubs de l'élite nationale, décidée par les pouvoirs publics pour booster la professionnalisation du football algérien, s'est avéré finalement un échec pour tous les clubs qui ont ouvert leur capital aux investisseurs privés, notamment les grosses cylindrées, à l'instar de l'ESS, de la JSK, du MCA, du MCO et autres NAHD, sur lesquelles l'espoir reposait. Les gestionnaires avaient même beaucoup misé sur ses clubs qui constituaient, en principe, la locomotive pour tirer les autres clubs vers le professionnalisme. Aujourd'hui, toute cette stratégie est mise en cause. Les pouvoirs publics envisagent d'apporter des changements à certains textes pour encourager les investisseurs privés. À cet effet, selon une source digne de foi, un nouveau décret est au niveau de la chefferie du gouvernement pour signature. Il consiste, dit-on, à annuler le précédent décret pour inviter de nouveau les clubs à maintenir leurs capitaux ouverts pour une durée indéterminée, afin de donner le temps aux futurs investisseurs de mieux comprendre le processus d'achat des actions et aussi d'être rassurés sur le placement de leur argent. Ainsi, l'instruction signée par la FAF, obligeant les clubs à ouvrir leurs capitaux en se conformant au décret signé par les pouvoirs publics, en leur donnant un délai jusqu'à fin février 2011 pour attirer les investisseurs, faute de quoi, ils seront exclus en fin de saison du championnat professionnel, est donc de facto annulée. Le prochain décret qui sera transmis aux clubs donne plus de temps aux investisseurs et oblige les clubs à adopter une nouvelle stratégie pour attirer les investisseurs et vendre des actions, ce qui leur permettrait d'entrer dans une nouvelle phase de gestion. Certains présidents de club sont toujours sceptiques sur cette idée d'ouverture de capitaux, à l'instar du président de l'USMH, Mohamed Laïb. Celui-ci nous a affirmé, justement à ce sujet, que les gens n'investissent par parce qu'ils ne sont pas sûrs du placement de leur argent. “Quelle garantie pour la personne qui vient d'acheter des actions ? Je suis désolé de le dire, mais les gens veulent savoir où va leur argent et est-ce qu'ils peuvent le récupérer plus tard ? Ce sont autant de questions qu'ils se posent. En plus, ils ne veulent pas donner juste pour donner, ils veulent donner pour avoir une contrepartie. Personnellement, je ne peux pas donner 50 DA pour récupérer une année plus tard 50 DA, c'est insensé. Les gens veulent avoir plus de garantie pour placer leur argent et le récupérer par la suite. À l'USMH, on n'a pas ouvert le capital du club uniquement pour les raisons que je viens de citer, mais on le fera très prochainement. Il faut que l'Etat se penche sérieusement sur ce dossier sensible qui touche la jeunesse. On a besoin d'être encadrés pour que les clubs puissent passer d'un mode de gestion à un autre sans dégâts”, nous affirme-t-il en substance. Il est relayé par Abdelkakim Serrar, démissionnaire. “Personnellement, c'est un constat d'échec que je fais pour nous, présidents de club. On doit tous partir pour laisser notre place, le fait que personne ne veut acheter la moindre action est pour nous un cuisant revers. Il faut donc partir et laisser la place à d'autres personnes qui peuvent créer le déclic. Il ne faut se voiler la face, cet échec est le fait d'un manque d'imagination de certains présidents qui veulent s'accrocher coûte que coûte à leur poste. Je le répète, on doit laisser notre place à d'autres plus compétents. On en marre de vivre que des subventions de l'Etat. Si on n'arrive pas à financer nos clubs autant partir”, nous dira-t-il. Les présidents de club sont toujours sceptiques Cependant, à quelques jours de la date butoir fixée par la FAF pour l'arrivée des actionnaires (une sorte d'appel d'offres) au sein des clubs des Ligues 1 et 2, la quasi majorité des équipes est restée sur sa faim. Les investisseurs, en raison sans doute d'un manque de visibilité flagrant par rapport à la démarche des décideurs, ne se bousculent pas au portillon pour acheter des actions, parfois fixées à des prix dérisoires. Le chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, avait pris une série de mesures visant à professionnaliser les clubs de football en Algérie. Le communiqué du MJS faisait état d'un prêt de 100 millions de DA aux clubs, de concession de terrains pour l'édification de centres d'entraînement avec une aide à hauteur de 80% pour la réalisation. Il était aussi question que l'Etat s'engage à prendre en charge partiellement les déplacements des clubs à l'intérieur comme à l'extérieur du pays et à mettre à la disposition des clubs des bus. Les pouvoirs publics s'engageaient aussi à prendre en charge la rémunération des entraîneurs pour les jeunes catégories. Bref, une batterie de mesures visant à faciliter la transition aux clubs, décidées au plus haut niveau de l'Etat, comme l'affirme Manna Kenfoud, président du NAHD. “Les clubs sont tous endettés jusqu'au cou. L'Etat s'était pourtant engagé à nous accompagner pour qu'on puisse passer vers le professionnalisme. La saison tire à sa fin et on n'a rien vu venir, ni les 10 milliards de centimes promis, ni les bus, ni le terrain pour un centre de formation. Où est donc le professionnalisme dont l'Etat se targuait d'avoir lancé ? En principe, le professionnalisme se fait avec l'aide de l'Etat qui accompagne pendant au moins trois années les clubs. Ensuite, il se désengage, mais pas maintenant, on est livrés à nous-mêmes. D'un côté, on n'ouvre pas droit aux subventions étatiques, et de l'autre, l'Etat refuse de nous débloquer les 10 milliards promis. Où en sommes-nous dans cette situation ? Le fonds de régulation qui devait pallier à cela n'a rien fait pour le moment. On a une subvention de 3 milliards qui est bloquée au niveau de la wilaya d'Alger. Je suis allé voir le DAL pour qu'il la débloque, mais on n'a rien reçu pour le moment. Je vous assure que si ça continue à ce rythme-là, le professionnalisme est réellement compromis”, nous dira M. Manna. C'est dire qu'en dépit de la bonne volonté de certains acteurs du football, le départ du professionnalisme est toujours en panne. Il nécessite une thérapie de choc qui consiste en le renouvellement de certains présidents de club. “Il ne faut pas avoir honte, si on échoue, on doit laisser sa place. Je pense que le salut du professionnalisme passera inéluctablement par le départ de tous les présidents de club”, conclut M. Serrar.