Des films qui réinventent l'amour, et l'ancrent dans une réalité sociale très actuelle. Les questions de l'identité et celles de l'échec et de la désillusion, sont les thématiques centrales de “Blue Valentine” et de “Black Swan”, deux longs-métrages projetés, samedi, en avant-première. De notre envoyée spéciale à Mons : Sara Kharfi L'amour est, sans nul doute, la belle et ingénieuse invention de l'humanité. L'amour ! Un mot bien plus vaste que les différentes définitions qu'on lui attribue, bien plus grand que tous les clichés auxquels on pourrait le renvoyer, bien plus beau qu'on pourrait le représenter, mais, hélas, bien trop généralisé. Si on réduit l'amour à l'état amoureux, on s'embarrasse, le plus souvent, à le représenter avec des histoires à l'eau de rose, où le couple qui traverse des péripéties, finit par se réconcilier, ou pis encore, par s'aimer jusqu'à la fin des temps. Il serait vain de revenir sur l'incongruité de ce scénario qui est, avouons-le, dépourvu d'imagination mais que les superproductions hollywoodiennes nous ont servie à satiété. Enfermer l'amour dans ces schémas serait injuste puisqu'on ne prendrait pas en compte, la complexité de l'homme, la fragilité de l'âme humaine et surtout, le contexte social qui pèse de tout son poids sur la construction de la personnalité et les aspirations dans la vie. Le thème de l'amour a inspiré tous les grands de notre monde : romanciers, poètes, dramaturges, cinéastes, poètes… Et c'est peut-être l'une des raisons qui ont fait que le Festival international du film d'amour de Mons (FIFA) puisse exister, vivre, survivre et arriver à sa vingt-septième édition. Une édition qui s'est ouverte, vendredi soir, au Théâtre royal de Mons, qui réunit 43 pays, en proposant une bonne centaine de projections (compétition internationale, compétition meilleur premier film européen, compétition des courts-métrages internationaux, compétition des courts-métrages belges, panorama du cinéma italien et irlandais, lumières d'Ailleurs). Après l'allocution d'Elio Di Rupo, président d'honneur du festival qui a rappelé la vocation du festival qui se veut “militant”, et celle d'André Ceuterick, délégué général ; et suite à l'hommage qu'a rendu le FIFA à l'actrice, égérie et grande amie de Jean-Luc Godard, Anna Karina, marraine de la présente édition, Les Yeux de sa mère de Thierry Klifa, a été projeté en avant-première, en présence de l'équipe du film. Ce long-métrage scénarisé par Thierry Klifa et Christopher Thompson, s'intéresse à Mathieu, un écrivain en mal d'inspiration (campé par Nicolas Duvochelles), qui décide d'entrer dans la vie d'une grande journaliste, star du petit écran (un rôle interprété par Catherine Deneuve), afin de rédiger une biographie non autorisée. Il devient l'assistant de la journaliste, et au même moment, il entre dans la vie de sa fille (incarnée par Géraldine Pailhas), une danseuse étoile qui entretient des relations froides avec sa mère et qui cache un lourd secret… qu'elle finira par partager avec Mathieu. Voulant détruire la vie de ces deux jeunes femmes, Mathieu sauvera la vie de ses femmes. À sa manière et certainement pas de la plus belle des manières. Un drame familial touchant, avec quelques intéressants rebondissements, qui pose la question de l'amour filial et celle du rapport de l'homme au monde. La salle de cinéma, Plaza Art, a abrité avant-hier la projection du long-métrage étourdissant Blue Valentine de Derek Cianfrance. Même si le titre décourage même les plus motivés et les plus optimistes, Valentine Day est l'histoire d'un couple qui s'aime et se déchire. Le spectateur accompagne les deux protagonistes dans leur chute, leur descente aux enfers. Dean est peintre en bâtiment, Cindy est infirmière. Il aime sa famille et s'en contente ; elle est ambitieuse et ne supporte plus la paresse de son mari. Il parle d'amour ; elle parle de potentiel. Il refuse de faire des efforts ; elle rejette tout compromis. Il est idéaliste ; elle est pragmatique. Dean et Cindy sont dans l'impasse. Le souvenir de leur passion sauvera-t-il leur couple aujourd'hui, est la question centrale de Blue Valentine qui réinvente l'amour et raconte une histoire bien ancrée dans le contexte d'aujourd'hui. Une love story de notre temps que l'échec et la désillusion alimente. Être un autre tout en étant soi-même Black Swan de Darren Aronofsky a été projeté, samedi soir, en avant-première, à Mons. Ce thriller paranoïaque au suspense haletant, présenté à Cannes en 2010 dans la catégorie “un certain regard”, s'intéresse à la question de l'identité et celle la “légende personnelle”. Nina (Natalie Portman) est une ballerine de prestigieux New York City Ballet. Pétrie de talent, Nina ne rêve que d'incarner la reine des cygnes dans le ballet “le Lac des Cygnes” de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Son rêve se réalise lorsque Thomas Leroy (Vincent Cassel), le directeur artistique de la troupe, lui propose le rôle… de sa vie. Thomas est dur envers Nina ; il lui demande de se surpasser, de découvrir qui elle est, afin qu'elle puisse incarner le “white swan” et le “black swan”. Un rôle double, un rôle trouble, un rôle qui fait perdre la raison à Nina, qui est très anxieuse et sans véritable personnalité. Thomas bouscule Nina ; il lui fait prendre conscience de son corps et de son âme. Elle ne sait plus qui elle est, mais se sent libérée. La schizophrénie devient le refuge de cette ballerine dont l'issue sera fatale. Darren Aronofsky plonge dans les profondeurs de l'âme de l'artiste et interroge les limites de la création. Être un autre tout en étant soi-même semble être un exercice périlleux. La problématique de l'identité est centrale dans ce film qui ne laisse aucun répit au spectateur, tant il est entraîné, intrigué, fasciné… Le réalisateur surprend son spectateur qui est intelligent mais dont les émotions sont anticipées et totalement gérée par Darren Aronofsky. Un maître incontesté.