À propos des implications de l'instauration de l'état d'urgence en février 1992, l'ancien chef du gouvernement a surtout énuméré des retombées négatives. “Cette loi a été une couverture des défaillances et des fléaux sociaux.” Un mois précisément après son intervention, à Paris, au forum de l'ADI (Académie diplomatique internationale), Mouloud Hamrouche revient, cette fois à Alger, sur le constat accablant de la situation politique en Algérie. C'était hier lors d'une conférence organisée par le CRSS (Centre de recherche stratégique et sécuritaire), à Ben Aknoun, autour du thème “lecture juridique et politique de la levée de l'état d'urgence”. L'ancien chef du gouvernement (septembre 1989-juin 1991), tout en précisant qu'il ne voulait pas “parler de politique”, n'a pas hésité à formuler des critiques sur la gestion politique de l'Algérie. Revenant sur les retombées de la levée de l'état d'urgence, décidée le 24 février dernier, Mouloud Hamrouche est catégorique : “l'Etat et le gouvernement ne peuvent pas gérer la société en dehors de l'esprit de l'état d'urgence.” Il reviendra à la charge en posant la question : “l'état d'urgence a-t-il empêché les 1 000 émeutes enregistrées l'année passée ?” avant d'arriver à sa conclusion : “ne soyez pas surpris, si d'ici 15 jours, un mois, rien ne va se passer”, tout en ajoutant : “les tares se trouvent à d'autres endroits et non dans l'état d'urgence.” À propos des implications de l'instauration de l'état d'urgence en février 1992, l'ancien chef du gouvernement a surtout énuméré des retombées négatives. “Cette loi a été une couverture des défaillances et des fléaux sociaux.” Il précisera ainsi que l'état d'urgence a permis, entre autres, la prolifération de la corruption et l'absence d'activités politiques. Il a également profité de l'occasion pour préconiser l'ouverture du champ politique. “Nous sommes un pays sous-développé, et comme nous acceptons de construire des usines, de créer une armée, une police, une administration, alors on doit accepter la création de partis politiques.” Il a ainsi voulu donner sa vision sur l'aspect “menace” que constituerait, selon les partisans de la fermeture, la création de nouveaux partis. “Il y a longtemps, j'avais dit aux services de sécurité, ouvertement et non en conclave, que les partis politiques sont des institutions de la société, soumis à la loi et au contrôle des services de sécurité.” Plus explicite, Mouloud Hamrouche précisa sa “vision” en affirmant qu'“il est inacceptable qu'on ne puisse pas connaître ceux qui composent un parti politique”. Non sans nuancer ses propos : “mais il est inacceptable de s'ingérer dans les affaires des partis, en les infiltrant ou en jouant un rôle dans la désignation des chefs ou leur mise à l'écart.” Pour illustrer ses dires, il prend pour référence Henry Kessinger, l'ancien secrétaire d'état américain (1973-1977) qui était sceptique devant le système politique japonais. “Il disait que dans ce pays, il n'y avait pas de surprise puisqu'on sait à chaque fois qui sera le premier ministre avec l'existence de seulement deux partis, donc il suffisait de connaître la liste de la direction nationale de chacun d'eux pour connaître ceux qui seront désignés après.” Mouloud Hamrouche n'était pas le seul intervenant lors de la conférence-débat animée, hier, par le directeur du CRSS, le Dr M'hand Berkouk. Plusieurs universitaires, à l'instar du sociologue Slimane Medhar, étaient intervenus dans le débat autour du sujet du jour : l'état d'urgence. La majorité était d'accord avec sa levée, tout en remettant en cause ses effets, et ses répercussions.