Vingt ans après son éviction en pleine “grève politique” du FIS de juin 1991, l'ancien Chef du gouvernement semble vouloir se dédouaner de la situation engendrée par la reconnaissance du parti islamiste qui lui vaut une rancune tenace de l'armée. Mouloud Hamrouche dit ne pas avoir été entendu sur le report des élections législatives. “J'avais formulé cette demande en étant Chef du gouvernement parce que je jugeais qu'on n'était pas encore prêt pour une échéance pareille, mais je n'ai pas été entendu”, a-t-il regretté lors d'une conférence à Paris, selon ses propos rapportés par l'APS. Pourtant, c'est bien lui, candidat du FLN, dans la circonscription de Ksar Chellala, qui tenait au rendez-vous. Avant d'être nommé au poste de Premier ministre, M. Hamrouche avait imposé, à partir de la présidence, la reconnaissance du FIS au mépris de la loi qui interdit les partis fondés sur une base confessionnelle. Abou Bakr Belkaïd, ministre de l'Intérieur de Kasdi Merbah, avait signé contre son gré l'agrément du parti le 6 septembre 1989. Trois jours plus tard, Hamrouche remplaçait Merbah... Le Premier ministre “réformateur” avait sa propre stratégie : conscient que les islamistes étaient une composante de la société algérienne, il voulait les intégrer dans le jeu politique pour démontrer leurs carences et les décrédibiliser. Mais le projet du FIS de balayer le régime corrompu du FLN était mobilisateur et lui a permis de prendre le contrôle de la majorité des APC et APW. Pour contrer cette ascension, Hamrouche mettait en place un découpage électoral favorable au FLN. Le pacte est rompu et le FIS veut l'annulation de ce découpage et l'organisation d'une élection présidentielle et les législatives simultanément. Le président était caricaturé dans le rôle de “Mesmar Djeha” qui devait absolument sauter. C'est dans ce contexte que les élections prévues en juin 1991 ont été annulées et Hamrouche limogé, puis remplacé par Sid-Ahmed Ghozali. L'armée avait dû imposer l'état de siège pour reprendre le contrôle de la situation et revenir encore après les élections avortées de décembre 1991... L'armée “a supporté les frustrations, vingt ans durant, en combattant le terrorisme, au moment où les appareils de l'Etat n'ont pu accomplir leur rôle, tandis que les partis politiques ne constituent pas une force réelle pour construire le pays”, a observé M. Hamrouche. Par ailleurs, “les facteurs d'insécurité, de non-droit, de révolte, d'émeutes deviennent des causes ou sont provoqués pour promulguer des lois d'exception, instaurer l'état d'urgence”. Mais, ces mesures “n'ont amélioré ni la légitimité des gouvernants, ni renforcé le contrôle et la sécurité, ni aidé à la mise en place d'un Etat de droit”. Tout comme “elles n'ont pas empêché l'extension des violences et des actes terroristes”. Elles ont davantage accentué les impasses politiques, sociales, économiques et sécuritaires. Résultat : “Ce système, qui fonctionne sur la répression, ne peut pas engendrer une démocratie, construire un comportement citoyen. La population est dans un esprit de rejet.” Face à ce désordre, “la première des choses est la reconstruction du fonctionnement institutionnel de l'exercice du pouvoir”. Et “avant de parler des élections, il faut d'abord parler d'émergence des forces politiques et sociales”. Pour réussir une transition dans les pays du Maghreb, M. Hamrouche a plaidé pour la carte de “modération”, pour “faire adhérer plus de gens à des projets”, sans “chercher à organiser des élections coûte que coûte, avant d'avoir dégagé un consensus autour d'une dynamique précise”. Il a préconisé un “débat constructif” entre les dirigeants maghrébins pour discuter des “vrais et faux problèmes” existants.