Bouteflika au pays de Benflis La “bataille des Aurès” va commencer Les Chaouis attendent de voir la consistance de la cagnotte que devra leur consentir le chef de l'Etat qui prononcera un discours officiel aujourd'hui. Veillée d'armes. La capitale des Aurès, Batna, accueille, aujourd'hui, un invité très spécial en la personne du président de la République. Très spécial parce que Abdelaziz Bouteflika est appelé à croiser le fer, dans six mois, à l'occasion de la présidentielle d'avril 2004, avec un enfant des Chaouias, Ali Benflis. De ce fait, le Président-candidat viendra forcément empiéter sur les plates-bandes de son rival du FLN pour tenter de séduire une population théoriquement acquise à la cause de Benflis, ne serait-ce que par le fait du tribalisme encore présent dans cette région. C'est dire que l'arrivée de Bouteflika à Batna est assimilée à une ouverture des hostilités de sa part dans le cadre de ce qui pourrait s'appeler la bataille des Aurès. L'arrière-pensée de Bouteflika est évidente quand bien même son entourage s'escrime à cataloguer cette virée à Batna dans le cadre des tournées présidentielles à l'intérieur du pays. Mais, le fait est que cette visite intervient 48 heures après la convocation par Benflis du congrès extraordinaire de son parti qui devra sûrement le consacrer officiellement candidat à l'élection d'avril 2004. Cependant, les relents électoralistes de cette halte bouteflikienne dans la capitale des Aurès ne transparaissent pas dans les rues de la ville. Ici, c'est quasiment un non-événement ou presque. Exception faite du grand boulevard du 1er-Novembre faisant face au siège de la wilaya, orné des couleurs nationales et des portraits du Président, Batna donne l'impression de ne pas prêter attention au carrousel des voitures rutilantes qui sillonnent ses artères à toute allure. On est vraiment loin de l'affairement observé dans les autres régions à la veille de l'arrivée du Président. La discrétion semble être le maître mot. Bien que des banderoles bien en vue sur lesquelles on peut lire “La capitale des Aurès souhaite la bienvenue au président de la République” soient accrochées un peu partout, l'engouement de la population n'est pourtant pas évident. Même les chants patriotiques diffusés à plein décibels via des mégaphones accrochés sur des voitures ont visiblement bien du mal à capter l'attention des citoyens qui affichent une nonchalance décapante. Y a-t-il pour autant une relation avec l'entrée en scène de Ali Benflis ? “Pas forcément”, répond un ancien journaliste qui soutient que la “la guéguerre que se mènent les deux hommes indiffère royalement les citoyens, plutôt préoccupés par leurs conditions de vie”. Et sur ce plan, ici, on attend surtout de voir la consistance de la cagnotte que consentira Bouteflika, comme il l'a fait dans toutes les wilayas visitées. Et, fait curieux, l'hôte de Batna — calculs électoralistes ou hasard — a prévu un programme très chargé d'inaugurations et de lancements de projets. moins de 49 points seront visités par le Président en l'espace de 48 heures ! Un véritable record jamais égalé ailleurs. Faut-il y voir une volonté de Bouteflika de damer le pion à Benflis chez lui ? Possible, d'autant plus que le Président devrait inaugurer des projets en souffrance depuis longtemps. Comme par exemple la réalisation et l'équipement… d'un palais de justice à Batna. C'est dire que cette visite est moins une simple tournée d'inspection routinière du chef de l'Etat que celle d'un test de popularité auprès des citoyens de la région de son rival déclaré. La Coordination des archs de cette région a certes déclaré dans un communiqué qu'elle va chahuter la visite du Président auquel elle reproche d'avoir traité les Chaouias de “chiyatine” (brosseurs), mais ici, on estime qu'elle ne joindra pas le geste à la parole. Quoi qu'il en soit, l'accueil qui sera réservé à Bouteflika ce matin, à Batna, sera, à n'en pas douter, un test sérieux de popularité et un baromètre pour un Président-candidat qui cherche désespérément des soutiens à six mois de la présidentielle. H. M.