“Un jour, le silence a éclaté ! en lutte contre le harcèlement sexuel”. C'est l'intitulé de la brochure de la Commission nationale des femmes travailleuses (CNFT/UGTA), signée par sa présidente, Soumia Salhi, et réalisée avec le soutien de l'Association pour l'égalité devant la loi (Appel). D'emblée, la responsable syndicale rend “un hommage appuyé” aux victimes qui, insiste-t-elle, ont contribué à la dignité de toutes les femmes et gagné le pari de “faire exploser le silence autour du harcèlement sexuel”. Hier, Mme Salhi a révélé à Liberté que le document de 98 pages est sorti délibérément la veille du 8 Mars, Journée internationale de la femme, pour permettre aux victimes de “se réhabiliter”, de “faire entendre leur voix” et de “faire écho de leurs souffrances”. Dans son introduction, la présidente de la CNFT tient à rappeler que la campagne contre le harcèlement sexuel, menée dans les années 2000 par sa structure et qui se poursuit à ce jour, est “un exemple de lutte fructueuse”. Selon elle, cette campagne placée au “carrefour du syndicalisme et du féminisme” a, non seulement “brisé un tabou”, mais elle a également ouvert la voie à la parole sur la “sexualité”, malgré le “contexte de régression traditionnaliste” et “la vague rétrograde des années 1990 si proche”. La militante féministe et syndicaliste estime que le regard de la société a changé vis-à-vis de cette catégorie de victimes et pense même que c'est “une victoire immense” en matière de rapport de force. “Nous n'avons, certes, pas aboli le patriarcat ni l'oppression des femmes, mais désormais le harceleur craint la publicité (…) (voire la) réprobation désormais unanime”, écrit Soumia Salhi. Par ailleurs, elle concède que l'amendement du code pénal par l'ajout de l'article 341 bis sur la criminalisation du harcèlement sexuel est “un acquis visible”, surtout “un point d'appui concret” pour les victimes, qui a cependant montré ses limites “peu à peu à l'usage”. Cette situation a donc poussé la Commission nationale des femmes travailleuses de l'UGTA à initier cette campagne qui propose d'inverser la charge de la preuve, en demandant dans le même temps la protection des témoins. “Pour nous qui avons lancé la campagne et saisi le ministère de la Justice, cet amendement du code pénal est une récompense inouïe”, relève la responsable de la CNFT, en ajoutant plus loin : “Mais, bien au-delà de son objet déclaré, cette campagne a été le drapeau, le repère de toutes les aspirations des travailleuses et notamment de l'exigence d'un égal accès aux femmes à la responsabilité professionnelle”. “Un jour, le silence a éclaté !” est une brochure qui vise à capitaliser une des plus importantes expériences féminines d'Algérie, sans manquer de présenter certains documents de travail essentiels (brochure sur le harcèlement sexuel, guide syndical sur ce phénomène...), qui pourront “inspirer d'autres expériences”. Le livret comporte cinq grandes parties, traitant des origines de la campagne contre le harcèlement sexuel, de ses différentes étapes et de “l'aventure” du centre d'aide et d'écoute des femmes travailleuses, ainsi que des réalisations de la CNFT et des principales leçons retenues par les militantes. Dans sa conclusion, Mme Salhi fait l'observation suivante : “Notre mobilisation militante n'explique pas cette évolution majeure de la société, mais cette évolution ne serait pas sans notre mobilisation. Les cris des femmes meurtries n'auraient pas été entendus et nous n'aurions pas saisi cette opportunité historique, pour bousculer un ordre social désuet et anachronique, afin d'y faire un peu plus de place aux femmes”. En cette date anniversaire, le constat s'impose de lui-même : en dépit des petites avancées enregistrées, entre autres, dans le code de la famille, “la lutte n'est pas finie” tant que la moitié de la société n'est pas encore “visible” ni “représentée”.