Plusieurs membres de l'équipage ont été autorisés par les pirates à joindre leurs familles. Les otages algériens se plaignent de leurs conditions de détention et se disent “oubliés” par les autorités de leur pays. “Papa, quand est-ce que tu reviens ? Tu nous manques, maman et mes sœurs ne cessent de pleurer.” Ce sont ces mots qui déchirent le cœur qu'a échangés, ce mercredi 2 mars, aux environs de 9h30, Koceïla avec son père Hanouche Nafaâ, 54 ans, l'un des 17 otages algériens retenus depuis 64 jours par des pirates somaliens au large de l'océan Indien. La conversation, la deuxième depuis le début de leur captivité, n'aura duré que deux petites minutes. “Juste le temps pour mon mari de lancer un appel au secours et s'enquérir de la scolarité et la santé de ses enfants”, nous a confié, hier, Mme Hanouche, les larmes aux yeux. Ses filles Farah, Lynda, Dahbia et Ania, assises devant elles, tentent de la consoler, en vain. Car la douleur de cette famille originaire de Fréha (Azazga) est accentuée par les récentes nouvelles qu'elle vient d'apprendre de la bouche de Nafaâ. Des nouvelles difficiles à supporter. “Les pirates nous ont mis, ces derniers jours, dans une pièce de 20 m2 dépourvue d'eau et d'électricité. On dort à même le sol, on n'a droit qu'à un seul repas par jour et on nous a interdit tout contact, c'est affreux”, a déclaré l'otage à sa femme. Le récit que décrit Nafaâ et ses compagnons sur leurs conditions de détention est bouleversant. Récits et témoignages corroborés par l'autre otage algérien des pirates somaliens, Mohammed Aït Ramdane, qui, lui aussi, a joint mercredi son fils par téléphone, qui, à son tour, a pris attache avec notre rédaction pour relayer le cri de détresse de l'équipage du Blida. Et ce ne sont pas les propos rassurants du directeur général d'IBC (International bulk carriers), une filiale de Cnan Group, tenus récemment à un de nos confrères qui vont tranquilliser cette famille et toutes les autres. “Les otages ne sont pas tout de même dans un 4 étoiles dans ce coin perdu”, rétorque un voisin de la famille Hanouche qui s'interroge : “Comment peut-on être en bonne santé en Somalie, planqué dans une cave, entouré de pirates armés et menaçants ?” L'allusion est faite aux déclarations de ce même responsable qui avait indiqué que “les otages sont en bonne santé”. “Mais comme le dit un adage de chez nous : ma y hass bel djamra ghir li yaâfas foug-ha (ne ressent la brûlure de la braise que celui qui marche dessus)”, lâche un parent de la famille Hanouche. Et il en veut aussi comme preuve de ce signe d'abandon, le silence inquiétant des autorités au sujet de ce dossier, comme l'explique l'absence totale de communication constatée au niveau de la cellule de crise installée au ministère des Affaires étrangères chargée de les informer de l'évolution de la situation. La femme de Nafaâ est catégorique à ce sujet. “Nous n'avons jamais été contactés par cette cellule et nous n'avons reçu aucun coup de téléphone depuis cette prise d'otages, même pour nous réconforter”, précise-t-elle. D'où les interrogations exprimées par les familles des otages sur le sérieux et l'intérêt que les responsables accordent à cette affaire. Pour eux, ce silence est un avant-goût de la manière dont est géré ce dossier. “Au vu de ce constat amer et pénible, nous avons toutes les raisons d'exprimer nos appréhensions quant à l'improbabilité d'un dénouement à court terme de cette affaire”, affirme un cousin à la famille qui dit avoir peur que les négociations avec les pirates s'éternisent. Pour cette famille, la lueur d'espoir suscitée les premiers jours après l'amorce de négociations entre l'armateur jordanien et les ravisseurs s'est vite estompée. “Notre douleur et nos craintes pour leurs vies n'ont jamais été aussi grandes compte tenu de la souffrance et l'isolement qu'ils endurent”, soulignent les enfants de Nafaâ. Par ailleurs, on a appris que les 17 familles des otages, la plupart d'Alger, de Tizi Ouzou, Jijel, Bou-Ismaïl et Batna, comptent s'organiser en association pour presser les responsables à dénouer cette affaire. Elles comptent désormais sur l'intervention du président de la République à qui elles disent accorder toute leur confiance pour mettre en œuvre une issue heureuse à ce drame comme il l'a déjà fait pour les Algériens vivant en Libye, précisent-elles. Pour rappel, les 17 otages algériens faisaient partie des 27 membres d'équipage du vraquier céréalier, le MV Blida de la Cnan, battant pavillon algérien. Ce navire cargo qui s'apprêtait à rejoindre Dar Es-Salam en Tanzanie s'est fait attaquer par des pirates au large de la mer d'Oman peu de temps après son départ du port de Salaalah. En plus des 17 Algériens, il y avait à bord des Philippins, des Ukrainiens, des Jordaniens et des Indonésiens.