La marche pacifique, qui devait avoir lieu hier à Oran, à l'initiative de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), a été prise de court par les services de sécurité qui n'ont pas épargné les journalistes. Bien avant le départ de la marche de la place du 1er-Novembre 1954, les journalistes ont été cueillis un à un par les services de sécurité. Bien que munis de leurs cartes professionnelles et ordres de mission, les représentants de la presse indépendante ont fait l'objet d'arrestations inexpliquées et inexplicables. La place du 1er-Novembre 1954, les rues Emir-Abdelkader et Larbi-Ben-M'hidi étaient fortement quadrillées par les forces de police depuis le matin. Les passants et les badauds étaient sidérés par le déploiement des fourgons et des voitures de police banalisées. Un dispositif de sécurité qui renseigne sur le degré d'énervement des policiers. Vite fait bien fait, les journalistes sont apostrophés puis emmenés illico presto par les agents de police aux commissariats de la ville. Une centaine de citoyens ont été également arrêtés et conduits manu militari aux postes de police. Les balcons des immeubles entourant la place du 1er-Novembre 1954 sont noirs de monde. Les femmes et les hommes, haut perchés, font des signes de la main. Ils essayent de comprendre ce qui se passe réellement sur l'ex-place d'Armes, sanctuaire des contestations. Dans la foulée, les forces antiémeutes traquent tout ce qui bouge. Les petits groupes de deux ou trois personnes sont fermement disloqués par les policiers. Les habitués du jeu de dominos sont aussi priés d'aller voir ailleurs. Mis au parfum de l'arrestation des journalistes, des citoyens goguenards lancent : “On appréhende les journalistes pour essayer d'étouffer la réalité.” Deux personnes osent cette bravade : “Jusqu'à quand vont-ils cacher le soleil avec le tamis ?” Au fur et à mesure que le temps passe, les policiers redoublent de férocité. Le coordinateur local de la CNCD est arrêté à son tour en compagnie d'autres militants. Pour faire dans le “tout va à merveille”, une équipe de l'ENTV est dépêchée pour filmer la place du 1er-Novembre vidée des manifestants et des journalistes.