La question de la justice et du droit était encore au rendez-vous, hier, lors de la deuxième journée du colloque international “Algérie 1954-1962. Des robes noires au Front”, qui s'est tenu à Riadh El-Feth (Alger). Comme l'a observé Malika El-Korso, chercheur en histoire ayant offert son concours scientifique à l'association organisatrice Les amis de Abdelhamid Benzine, la rencontre s'est penchée sur la place de l'avocat, en tant que “défenseur d'un groupe, d'un peuple ou d'une cause”, mais aussi sur la “stratégie” des robes noires face au système colonial. Les témoignages des témoins et acteurs d'une période cruciale de notre histoire contemporaine, parmi les anciens détenus et les avocats de la cause anticolonialiste, algériens, français et belges, qui ont défendu des militants nationalistes, ainsi que le regard serein sinon critique des universitaires et chercheurs, ont surtout permis de mettre en exergue “un enjeu fondamental”, à savoir que “la justice a été la garante de la pérennité du système colonial”. C'est dire également que le colloque de Riadh El-Feth, par la qualité de certains intervenants et participants, par les thèses qu'ils ont développées, leurs propos, leurs recherches ou leur quête de la vérité, s'est interrogé sur le comment “poser des actes de justice, dans une période de guerre ou de crise, où la force prime le droit”. La rencontre a, en outre, souligné l'importance des témoignages des personnes encore vivantes, en confirmant une fois de plus que “la guerre de Libération nationale reste à écrire”. Des intervenants, comme par exemple l'historienne Sylvie Thenault, ont bousculé la “vision idyllique” en rappelant certains “désaccords”, “rivalités”, voire même des “guerres” où l'élément idéologique était au rendez-vous. Ils ont surtout apporté des clarifications sur certains concepts, ouvrant la voie aux “nuances”. Au cours du débat, Benyoucef Mellouk, l'homme par qui le scandale des magistrats faussaires est arrivé, a certifié que “la répression judiciaire” a bel et bien existé pendant la période coloniale. Mais, ajoutera-t-il, “il ne faut pas oublier qu'elle a continué après l'indépendance, et se poursuivra tant qu'il n'y a pas d'assainissement sur le dossier des faux moudjahidine”. Selon lui, le silence des historiens, mais aussi des anciens combattants, conforte “le pouvoir (qui) bloque l'histoire authentique”. De son côté, notre confrère Ahmed Ancer et néanmoins membre de l'association organisatrice a estimé que “tant que des faussaires occupent des postes dans la justice algérienne, il ne peut y avoir de justice juste dans ce pays”. À la fin des travaux, Mme El-Korso a soutenu que “la rencontre a atteint ses objectifs, par sa qualité et la richesse des interventions”. “Le colloque n'a pas répondu à toutes les questions, mais il a posé d'autres questions et ouvert des pistes de recherche”, a-t-elle ajouté. Elle a cependant admis que “la grande lacune” de la rencontre est “la grande absence de la jeunesse”, en regrettant notamment que les jeunes avocats invités n'aient pas répondu présent.