Belkhadem vient de s'exprimer sur la virtualité d'un changement démocratique en Algérie. Il se rassure d'emblée : non seulement il n'y aura pas de changement, parce que “la révision de la Constitution ne peut émaner que du président de la République”, mais il préconise, en prime, “sa” révision, “une révision dans le fond de la Constitution actuelle qui a été adoptée, dans un contexte particulier, en 1996”. En fait, et si l'on croit le secrétaire général du FLN, le régime n'est pas tenu à une quelconque évolution, autre que celle qui convient à sa propre conception institutionnelle, les Algériens n'étant pas “contaminés” par le mouvement général pour le changement qui secoue la région. S'il reconnaît le droit à d'autres partis et associations de contester et de formuler leurs propositions “dans un cadre organisé”, il trouve que ces idées partaient, cependant, de conceptions “différentes”, y compris des propositions de changement “radical” allant jusqu'à la mise en place d'une Assemblée constituante et l'adoption d'une nouvelle Constitution ! Et là, Belkhadem ne joue plus : il ne peut pas agréer des propositions qui font table rase de tout ce qui a été réalisé depuis l'Indépendance, la proposition d'une Assemblée constituante. Cela revient à un “départ à zéro”, trouve-t-il. L'émotion que suscite chez un apparatchik l'idée même d'une “table rase” de son système illustre l'autisme que développe le sérail d'une autocratie jusqu'à la dernière minute de la vie du système. Convaincus qu'il y a quelques réalisations à préserver, selon une théorie des “effets positifs” de leur autoritarisme, le personnel politique d'une dictature croit toujours que leur système peut être, au pire, “amélioré”, mais jamais démantelé. On voit, comme en Tunisie et en Egypte, que le système résiduel tente, sans répit, de se régénérer contre de successives modifications de forme ! Mais il ne s'agit pas d'un “départ à zéro”, Monsieur Belkhadem. Il y a eu une accumulation de dégâts, depuis que vous sévissez, qu'il faudra repartir d'en dessous de zéro. Quelles “réalisations” du système-FLN, toujours prégnant, peuvent compenser la régression produite par son Ecole, les dommages induits par la gabegie en matière de politique agricole, la désertification culturelle, les catastrophes urbanistiques et écologiques, le sous-développement économique durable, la promotion de la culture de l'intolérance et de la haine, l'impulsion de la mentalité de la rapine… ? Mais, selon Belkhadem, l'Algérie est à l'abri de cette contestation radicale, “grâce à la maturité de son peuple, (qui) refuse de suivre tout courant dévastateur, se cachant derrière la nécessité d'un changement démocratique pour mieux déstabiliser le pays”. Passons sur l'insulte faite aux peuples voisins qui se sont dressés contre l'arbitraire et l'abus. Il peut tolérer que “ces propositions” s'expriment, “toujours dans un cadre organisé et pacifique”, surtout qu'elles peuvent “susciter l'adhésion de certains partis”, comme “elles peuvent être complétées” ou “essuyer l'opposition d'autres partis” ! Les “autres” partis, étant au pouvoir, on connaît donc le destin de “ces propositions”. Comme partie prenante du système menacé de changement, Belkhadem reste “dans son monde”. Il ne peut concevoir le changement ; c'est au changement de s'imposer à lui. M. H. [email protected]