Ni le Conseil de sécurité, réuni lundi soir à huis clos, ni les chefs de la diplomatie du G8 n'ont réussi à se mettre d'accord sur la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne en Libye, demandée par la Ligue arabe et l'Organisation de la conférence islamique. L'opposition libyenne a vu ses chances de venir à bout de Mouammar Kadhafi se rétrécir davantage hier, après le blocage au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et l'impossibilité des ministres des Affaires étrangères du G8 à s'entendre sur l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne en Libye afin de réduire la capacité d'action des forces libyennes sur le terrain. En effet, alors que l'on assiste à un retour en force de l'armada du colonel Kadhafi, qui est en train de reprendre les villes entre les mains des insurgés les unes après les autres et menace même Benghazi, le fief du conseil national de transition libyen, la communauté internationale est plus que jamais divisée sur cette idée de zone d'exclusion aérienne. Lundi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU n'a enregistré aucune avancée lors de sa première séance sur le sujet, en restant divisé, car la Russie a estimé que des “questions fondamentales” restaient à régler avant de mettre en œuvre cette proposition. Le souhait des pays arabes et certains pays européens soutenant l'instauration d'une telle zone afin d'empêcher les forces fidèles à Mouammar Kadhafi d'accroître leur pression sur les rebelles qui ont pris le contrôle de l'est du pays ont vu leur requête rester au stade de l'idée seulement, parce que la Chine et la Russie, qui sont traditionnellement hostiles à tout empiètement de la souveraineté des Etats et les discussions n'ont rien voulu entendre. Ils risquent de bloquer la situation durant plusieurs jours, selon des diplomates, qui se sont exprimés à l'issue d'une réunion du Conseil. Ajoutez à cela, le fait que les Etats-Unis et l'Allemagne semblent réservés. Seules la Grande-Bretagne et la France travaillent actuellement à un projet de résolution qu'elles entendent soumettre au Conseil afin de concrétiser l'idée de faire de la Libye une zone interdite de survol. Pour justifier la position de Moscou, l'ambassadeur de Russie auprès de l'ONU, Vitali Tchourkine, affirme : “Il y a des questions fondamentales qui doivent être réglées” avant d'envisager de clouer au sol l'aviation du colonel Kadhafi. Selon lui, ces questions portent “non seulement sur ce que nous devons faire, mais également sur comment nous devons le faire”. “S'il y a une zone d'exclusion aérienne, a-t-il ajouté, il faudra déterminer par qui et comment elle sera mise en œuvre.” “Sans réponses à ces questions, il est très difficile de prendre une décision responsable”, a tranché l'ambassadeur. M. Tchourkine s'est montré critique envers la proposition franco-britannique. “Nous n'avons pas reçu suffisamment d'informations. Dire qu'il faut agir rapidement ou le plus vite possible sans fournir les réponses à ces questions fondamentales ne sert pas à grand-chose. C'est du vent”, a-t-il déclaré. L'Allemagne a également fait part de ses réserves. “Certaines questions n'ont pas reçu de réponse”, a déclaré l'ambassadeur Peter Wittig, qui a plaidé pour accentuer la pression sur le dictateur libyen par des sanctions politiques et économiques. Par ailleurs, les grandes puissances réunies au sein du G8 à Paris n'ont pas pu se mettre d'accord sur une intervention militaire en Libye, a déclaré hier le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui a reconnu n'avoir “pas convaincu” ses partenaires sur cette question. “Pour l'instant, je ne les ai pas convaincus”, a déclaré Alain Juppé à la radio privée Europe 1, après un dîner de travail la veille avec ses homologues des Etats-Unis, Russie, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Canada et Japon. Il a rappelé que la France et la Grande-Bretagne avaient été “en initiative” en prônant la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne ou des frappes aériennes ciblées pour affaiblir le potentiel militaire de Mouammar Kadhafi. “Kadhafi marque des points”, a-t-il admis. Le ministre français a également reconnu que la communauté internationale ne pourrait pas empêcher le colonel Kadhafi de reprendre la deuxième ville de Libye, Benghazi, fief de la rébellion.