OpenNet Initiative est un collectif de professeurs et chercheurs de grandes universités anglo-saxonnes – d'Harvard, de Toronto et d'Ottawa – qui s'est constitué en groupe d'observation et d'analyse des usages d'Internet dans le monde entier – notamment sur la question des libertés, des filtrages et de toutes les formes de censure. À partir de leur énorme travail de collecte et d'analyse d'information, un graphiste new-yorkais, Evan You, vient de réaliser un ensemble de visuels assez saisissants. Cette image a l'air simple : elle donne donc à voir les différents niveaux de filtrage et de censure d'Internet dans le monde. Autant dire que la simplicité n'est ici qu'apparente, puisque, en fait, il aura fallu collecter et rendre intelligibles des dizaines de milliers d'observations, partout sur la planète, avant de pouvoir colorier le globe en quatre couleurs, du Web le plus libre (en bleu) au plus verrouillé (en noir). À partir des données de terrain rassemblées par Reporters sans frontières, les membres d'OpenNet Initiative ont adjoint l'analyse approfondie de réglementations et de textes de loi nationaux (mais aussi d'usages arbitraires en tout genre). Résultat, quatre créations visuelles – en anglais –, dont cette carte, qui dresse un état des lieux étonnant. Si l'on en croit cette classification en quatre couleurs (sans doute un peu simpliste, vu le faible nombre de catégories retenu), les pays d'Europe, dont la France, appliqueraient le même niveau de surveillance de la Toile que… la Libye (on imagine toutefois que les événements récents et les exactions de Kadhafi n'ont pas été pris en compte). Autre surprise (sauf pour ceux qui suivent de près ces questions), l'Australie se voit teinter de rouge, ce qui en fait (encore une fois, avec ce mode de calcul probablement simpliste) l'égal sécuritaire de la Turquie ou de la Russie. Pas de surprise par contre du côté de la Chine, qui est en noir (censure largement répandue), catégorie où la rejoignent Cuba, l'Arabie Saoudite, la Birmanie et quelques autres. Quant aux pays en bleu, seraient-ils tous des modèles de libéralisme numérique ? Plus prosaïquement, on peut penser que l'essor d'Internet y est surtout plus lent… et son flicage, pas encore aussi répandu. D'autres éléments, cette fois sous forme de graphiques, complètent la présentation des recherches d'OpenNet Initiative. D'abord une classification, par genre, des contenus les plus souvent filtrés ou censurés dans le monde (les blogs arrivant en tête). Puis un schéma expliquant les modes opératoires des filtrages. Et enfin, en entrée numéro 4, le graphique sans doute le plus intéressant : “Les motivations des censeurs.” Trois cercles dont certaines parties se superposent, manière très parlante d'épingler ces pays qui censurent, à la fois, pour (prétendument) “maintenir certaines valeurs sociales traditionnelles”, “maintenir la stabilité politique” et “maintenir la sécurité nationale”. Autrement dit : des grandes démocraties… et l'Algérie qui est quand même en jaune, pour certaines censures.