La librairie Chihab, plantée au cœur de Bab El-Oued (Alger) a abrité, samedi après-midi, une rencontre-débat avec l'historienne Malika Rahal, autour de son livre Ali Boumendjel. Une affaire française. Une histoire algérienne, publié cette année aux éditions Barzakh, en présence de membres de la famille du militant nationaliste, notamment sa fille Dalila. L'animateur de la rencontre, Dahou Djerbal, qui est professeur d'histoire à l'université de Bouzaréah et également directeur de publication de la revue Naqd, a d'emblée déclaré que la biographie du martyr Ali Boumendjel montre l'itinéraire d'un nationaliste qui se distingue du récit “idyllique” officiel sur la Révolution algérienne. Selon lui, le récit biographique de l'ancien militant de l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA de Ferhat Abbès) et ex-avocat du barreau d'Alger, arrêté le 8 février 1957 et mort le 23 mars de la même année sous la torture par les parachutistes du général Massu, offre “des éléments de réflexion, parfois provocateurs, qui tranchent avec le récit idyllique, qui lie la martyrologie officielle à la seule trajectoire de l'étoile nord-africaine (ENA), du Parti du peuple algérien (PPA) et de l'Organisation spéciale (OS)”. D'ailleurs, au début de l'année 1955, a fait remarquer M. Djerbal, les premiers martyrs de la Révolution algérienne appartiennent non seulement aux trois organisations (ENA, PPA et OS), mais aussi à l'UDMA, au Parti communiste algérien (PCA) et même au courant messaliste du mouvement national. “L'histoire de la guerre de Libération nationale n'est pas uniforme, mais elle est diversifiée” a-t-il précisé. Plus loin, l'animateur a estimé que l'assassinat d'Ali Boumendjel n'est pas “le produit du hasard”, car la ligne générale de la politique française consistait à “décapiter l'élite politique qui dirige le FLN”, voire même à couper l'élan à “cette capacité de donner à la Révolution algérienne une perspective d'ouverture”. Dans ce cadre, il a évoqué les assassinats, durant la guerre, de Larbi Ben M'hidi par les paras, d'Abane Ramdane et de bien d'autres intellectuels et politiques algériens. Le livre sur Ali Boumendjel constitue pour l'auteure “un pari d'historienne”. Lors de ses interventions, Malika Rahal, la spécialiste de l'histoire de la colonisation française en Algérie, a en effet laissé entendre que parmi les assassinats de la “Bataille d'Alger”, celui de Boumendjel a fait scandale en métropole et suscité la mobilisation autour de sa mort, en raison surtout “de sa personnalité et des liens qu'il avait tissés au fil de ses expériences politiques comme dans sa vie personnelle”. Pour comprendre l'affaire Boumendjel, l'auteure a opté pour un récit nuancé, en présentant “un exemple des façons d'entrer en guerre aux côtés du FLN” et en ouvrant la voie à la réflexion. Mme Rahal a, cependant, reconnu son “incapacité” à restituer dans les détails la rencontre, en 1955, d'Ali Boumendjel avec Abane Ramdane. Celle-ci, a-t-elle observé, s'est tenue au moment où Abane Ramdane cherchait à “donner un contenu politique à l'insurrection algérienne”. “Le sous-titre du livre est très pertinent. C'est une affaire française, car la justice et l'armée françaises sont mises en cause. C'est une histoire algérienne, car c'est notre histoire”, a conclu Daho Djerbal.