Les familles rapatriées de Tripoli reprochent aux autorités de les avoir fait venir au pays et les livrer à elles-mêmes sans aucune aide, alors qu'elles sont rentrées les mains vides après avoir tout abandonné au pays de Kadhafi. Devenu ces derniers jours haut lieu de la contestation sociale, le siège d'El-Mouradia a été une fois de plus pris d'assaut par de nombreux protestataires venus faire entendre leur voix au premier magistrat du pays. Quatre nouveaux rassemblements ont eu lieu hier aux alentours de la Présidence, quadrillée, comme à l'accoutumée, par un important dispositif sécuritaire. Enseignants vacataires, conseillers pédagogiques, chômeurs de la wilaya de Ouargla et des rapatriés de la Libye à la suite des derniers évènements se sont retrouvés côte à côte, à un jet de pierres de la Présidence et du ministère de l'Education nationale, concerné par les revendications des deux premiers corps. Les enseignants contractuels représentant les 48 wilayas du pays ont répondu en force à l'appel lancé par la Coordination nationale des enseignants contractuels (Cnec) d'Alger pour ce énième sit-in. Ils étaient près de trois cents à scander des slogans hostiles au ministre de l'Education nationale et l'ex-directeur général de la Fonction publique. Haut-parleur en main, un des enseignants est monté sur le toit d'un abribus pour encadrer les manifestants et, surtout, lancer les slogans appropriés : “Benbouzid barakat”, “Enseignant demande des comptes à Kharchi”, ”Non aux concours, oui à l'intégration immédiate”, “Ni conflit ni négociations, seulement l'intégration”. Les enseignants contractuels “qui ont plusieurs années d'expérience dans le secteur revendiquent leur intégration pure et simple”, nous dit Meriem Marouf, première responsable de la Cnec. Et de poursuivre : “Les concernés refusent catégoriquement l'option des concours car la compétence n'y est pas prise en compte.” Ce qui est pris en compte, dénoncent la plupart des enseignants, est “le piston, le clientélisme et la fraude”. Selon Meriem Marouf, le combat des contractuels a déjà fait ses premières victimes. Quatre parmi les enseignants vacataires, qui ont pris la route de la wilaya d'Adrar vers Alger pour prendre part au sit-in d'hier, ont trouvé la mort suite à un accident de la circulation survenu près de Lakhdaria. Selon les orateurs : ”Deux sont morts sur le coup et les deux autres sont décédés quelques heures plus tard en laissant des familles à charge alors qu'ils n'ont aucun droit, vu leur statut de vacataire.” Cette triste nouvelle n'a fait qu'augmenter la colère des manifestants qui ont décidé de camper sur les lieux jusqu'à ce que la décision de l'intégration soit prise officiellement par les autorités. “Notre sit-in est ouvert, nous restons là car nous avons déjà accordé à la tutelle le temps nécessaire pour étudier notre cas”, lance Mme Marouf aux policiers qui lui demandaient de partir. Selon la responsable de la Cnec, “lors du dernier sit-in tenu le 21 février dernier, le conseiller qui nous a reçus à la Présidence nous a demandé un délai de trois semaines. Mais rien n'a été fait et nous n'avons eu aucune réponse concrète”. Selon la même oratrice, “les représailles ont commencé samedi soir. Le siège du Snapap à Dar El-Beïda a été saccagé par des inconnus. Nous étions sur les lieux en train de préparer ce rassemblement et comme il y a des délégués qui se sont déplacés dans la journée, ils y ont passé la nuit”. Convié par un des médiateurs de la Présidence à une rencontre pour des négociations, la responsable du Cnec a refusé en signalant que “le temps du dialogue est révolu. Maintenant, on attend ici la décision d'intégration”. ”La même décision est attendue par les conseillers pédagogiques qui ont, eux aussi, tenu un sit-in de protestation non loin de celui des enseignants vacataires. De retour, également, sur les lieux où ils étaient jeudi dernier, les rapatriés de la Libye à la suite des derniers évènements qui secouent ce pays ont tenu leur sit-in en famille et la présence d'un bébé de quelques mois a été particulièrement remarquée.” Selon les contestataires, “ceux qui nous ont reçus jeudi dernier nous ont promis une réponse pour aujourd'hui. Mais, apparemment, personne ne veut de nous et nul ne nous écoute”. À en croire leurs dires, ils se sont tournés samedi vers la Ligue des droits de l'Homme qui leur a promis d'envoyer une correspondance à la Présidence et ont été rejetés par le Croissant-Rouge algérien sous prétexte que “le vendredi, le siège est fermé”. Les familles rapatriées de Tripoli reprochent aux autorités de les avoir fait venir au pays pour être livrées à elles-mêmes sans aucune aide alors qu'elles sont rentrées les mains vides, après avoir tout abandonné au pays de Kadhafi. “Ils nous ont fait venir, soit ils nous prennent en charge, soit ils nous renvoient en Libye. Nous préférons mourir là-bas que mourir de faim dans notre propre pays”, sont unanimes à dire les manifestants. À en croire leurs dires, “un des rapatriés originaire de Relizane s'est immolé par le feu après son retour à Alger”. Le rapatrié en question nous avait lui-même dit jeudi, lors du sit-in, qu'il envisageait de “faire quelque chose une fois à Relizane”. Enfin, le quatrième rassemblement de la journée d'hier est celui des chômeurs venus de la wilaya de Ouargla pour “réclamer un travail décent”. Arrivés en début d'après-midi, ce groupe d'une vingtaine de chômeurs a été convié à désigner une délégation qui sera reçue à la direction des requêtes et services publics de la Présidence. À 14 heures, les différents sit-in quadrillés par des forces antiémeutes se poursuivaient dans le calme. Tous les contestataires étaient unanimes à dire que leurs rassemblements restent ouverts jusqu'à satisfaction de leurs revendications.