On raconte, il y a très longtemps, que la peste s'était brusquement abattue et avait foudroyé les animaux, les décimant par centaines. À l'époque, tout le monde croyait à une sorte de punition divine. Qui des animaux a provoqué la colère divine ? Il fallait trouver le coupable au plus vite. Alors, on convoqua chaque animal à se présenter devant un tribunal spécial. Chaque bête devait confesser ses fautes pour conjurer et éloigner ce terrible mal. Mais, c'était sans compter sur l'inégalité des nantis de la faune. En effet, ni le lion, ni le tigre, ou encore l'ours ne furent inquiétés par les juges. Pourtant, chaque jour que Dieu fait, ils semaient la terreur en s'attaquant et en dévorant d'innocentes bêtes, dont le seul tort était d'exister. Vient alors le tour de l'âne, au regard si doux qui, non sans pudeur, avoua avoir mangé un peu d'herbe sauvage parce qu'il mourait de faim. À la barre, on cria au scandale. Tout le monde se rua sur le pauvre baudet, le désignant d'un doigt accusateur. “Mais, c'est donc toi le coupable de la peste ! Il n'y a pas de doute !” Ainsi, sans crier gare, l'infortuné bourricot fut condamné et exécuté séance tenante. La morale de cette histoire est : selon que vous soyez puissant ou misérable, les jugements de cours vous rendront blanc ou noir ! C'est la raison du plus fort. Ainsi, ce que la justice a de commun avec l'âne, ce sont les œillères. Nadia Arezki