Il y a quelques années quand le pétrole se négociait à 10 dollars le baril et quelques cents, les Algériens qui n'étaient pas plus riches qu'aujourd'hui, savaient faire la fête. La bamboula, ils en connaissaient un bout. En Oranie plus spécialement. Mohammedia par exemple, au sud-est d'Oran célébrait chaque année ce qu'elle produisait le mieux dans sa branche, les oranges. Dieu sait que les Thomson de la plaine de la Habra étaient juteuses et particulièrement sucrées. Les terres de ce landerneau étaient si fertiles qu'elles se prêtaient à n'importe quelle spéculation agricole. Des fermiers ont même tenté et réussi à acclimater la culture du coton et du tabac et ce n'est pas rien… Et c'est vrai aussi que le barrage du Fergoug n'était pas envasé comme aujourd hui. Mais revenons à ces agapes rurales et républicaines qui dépassaient en faste et en fantasia toutes les ouaddates des saints patrons. D' abord les choses n'étaient pas faites à moitié. Le sous-préfet invitait les notables, la kasma invitait ses militants, ces derniers et les notables invitaient la population du canton…Ensuite les organisateurs devaient s'en tenir au programme chronométré au millimètre. Cette foire comportait en réalité deux étages, comme une fusée. Le premier était convié aux zawalis qui avaient droit à une kermesse, une tombola, une zorna et des cavaliers qui devaient faire parler la poudre et soulever la poussière…Dans le second réservé aux VIP, les autorités avaient droit à un discours, des cadeaux, un repas feutré et des gâteaux aux amandes. Aujourd'hui il n'y a ni speech, ni karkabou ni karabila pour fêter les oranges de Mohammedia, les cerises de Tlemcen ou les olives de Sig. Au prix où elles sont sur le marché, elles feront bientôt partie des médicaments non remboursables par la Sécurité sociale.