L'Etat fait payer au consommateur les surcoûts énormes dus aux limites de la chaîne logistisque et le long circuit imposé aux opérateurs pour enlever leurs marchandises. Après avoir consulté trois des principaux concernés par l'acte d'importer, au niveau du port d'Alger : un officier et un agent des douanes, un transitaire, et enfin un gros importateur, il est possible de se faire une idée de l'ambiance qui règne au niveau de cette grosse structure que représente le port d'Alger. Il y a quelques jours, pas moins de 20 containers, dotés du DSTR (déclaration simplifiée de transit routier) ont disparu dans la nature, entre le port d'Alger et les Pins Maritimes, où il existe une zone extra portuaire sous douane. Il semble que l'enquête soit en cours au niveau de la brigade économique de la Gendarmerie nationale, selon un agent des douanes qui n'en sait pas plus, ou ne veut pas en dire plus. “Les containers sont bien sortis du port et ils ont été pointés à sa sortie, mais ils n'ont jamais été enregistrés au niveau des Pins Maritimes. Du coup, un haut responsable des douanes a été écarté, avant d'être promu. On ne sait toujours rien sur le contenu des 20 containers : cosmétiques de marque ou contrefaits ? s'agit-il de drogue, de fausse monnaie ou même d'armes ?” L'officier des douanes, quant à lui, défend sa corporation : “Si la déclaration en douane est correcte et s'il ne manque aucun document au dossier de dédouanement, la marchandise peut être sortie le jour même où la déclaration est déposée. De gros opérateurs comme Coca Cola, Pepsi, des concessionnaires, disposent de crédits d'enlèvement en plus du circuit vert, car leur marchandise est connue. Ils sortent leurs marchandises facilement. Même chose pour le blé, le maïs et les autres céréales qui sont chargées dans les trains et enlevées à partir du navire et chargées dans les wagons ou le silo. Idem pour les fruits, qui sont débarqués sous palan, ainsi que d'autres marchandises périssables. Parfois les organismes de contrôle, comme l'Institut Pasteur, les services phytosanitaires ou vétérinaires du ministère de l'Agriculture, l'INPV (Institut national de la protection des végétaux), les services de la qualité et de la répression des fraudes du ministère du Commerce, mettent du temps pour contrôler. Il ne faut donc pas tout rapporter aux services des douanes. Quant à ceux qui versent la tchippa pour activer la sortie de leurs marchandises, c'est leur affaire !” Chez un vieux transitaire en douanes, le tableau est moins idyllique, bien sûr ! Pour lui, tout l'itinéraire peut être mis en cause. Pour illustrer son propos, il expose le parcours du combattant suivi par le transitaire, afin de sortir la marchandise de son client. “Le consignataire accorde au transitaire l'avis d'arrivée avec les renseignements concernant la marchandise, en échange du connaissement. L'avis d'arrivée comporte l'ensemble des renseignements sur ce qui est appelé “gros” et l'article. Le gros est l'ensemble des renseignements sur le navire qui ramène la marchandise, qui permettent de traiter le dossier. Après avoir obtenu ces renseignements, le transitaire doit programmer la visite de sa marchandise par les services concernés : douanes, services du contrôle de la qualité dépendant du ministère du Commerce, services phytosanitaires et vétérinaires du ministère de l'Agriculture…Il y a quelques années, on devait se présenter chez l'acconier (chargé du stockage, du chargement et du déchargement des marchandises à partir des navires), qui peut lui aussi vous faire poireauter. Vous devez obtenir un rendez-vous, auprès des services douaniers, pour la visite de votre marchandise. C'est à partir des documents précédents et une fois l'avis d'arrivée renseigné, que le transitaire se rend aux services des douanes pour saisir sa déclaration. Une fois sa déclaration saisie, il devra préparer la visite douanière avec l'acconier (entreprise portuaire). Cette déclaration sera confiée à un douanier, par le système informatique des douanes. Ce douanier est chargé du contrôle et de la liquidation de la déclaration. Il commencera par contrôler les documents : avis d'arrivée, connaissement, facture commerciale, UR1 (UR1 : déclaration d'avantage, l'Allemagne et l'Autriche ne disposent pas de l'UR1, mais d'un agrément qui le remplace), X1 (déclaration d'export ). Une fois les documents épluchés, le dossier est orienté vers la brigade de visite. Un rendez-vous est fixé, en général pour le lendemain, afin que la marchandise soit visitée (vérification de l'espèce), afin de contrôler si elle est conforme à celle qui est déclaré dans le dossier. C'est là que commence le grand jeu. Le douanier ne dispose pas de fourchette pour la valeur qui lui permet d'opter pour tel ou tel niveau de taxation. S'il disposait d'une fourchette, il pourrait estimer qu'il y a eu sous-facturation, ou sur- facturation, à partir de la déclaration de l'importateur. Si sur-facturation il y a, le douanier devra procéder à un redressement, dans le cas contraire, il procédera à l'authentification. Les services des douanes devraient disposer d'une fourchette pour les aider à travailler. Dans le cas contraire, il faudra laisser les services concernés du ministère des Finances, faire leur boulot”. Disparition de 20 conteneurs au port d'Alger Nordine Hassaim, DG de Toyota Algérie, et vice-président de l'AC2A, cite la note émanant de la direction des changes, en date du 24 mars 2011, qui a abrogé la note n°16 du 16 février 2009 qui concernait le certificat de qualité et le certificat d'origine. Des documents qui ne sont plus exigés désormais au niveau de la banque. “C'est avec l'avènement du crédoc, il y a environ 2 ans qu'on s'est mis à exiger les certificats de qualité et d'origine, en plus de tout le reste du dossier, au niveau des banques. Le certificat d'origine est toujours exigé au niveau des douanes, ce qui est tout à fait normal !” Soulignant que chez Toyota on n'est pas gêné par le crédoc, il précise que “Toyota importe 2500 à 3000 véhicules par mois, toutes catégories confondues. Une simple gestion de trésorerie suffit pour s'en tirer honorablement. Même si ce n'est pas toujours évident pour les opérateurs à faible assise financière !” Sur la question des ports, il y aurait beaucoup à dire. “Nous avons commencé notre bizness à Alger et tous nos investissements dépendaient du port d'Alger et de ses environs. L'ensemble des décisions du process avaient été modulées en fonction de ce port. Nous sommes tombés des nues en apprenant la suppression des livraisons à partir du port d'Alger. Or, le temps de migrer à Djendjen, et pour d'autres concessionnaires, à Mosta, et voilà cette histoire de crédoc !” Parcours du combattant du transitaire Trois ports ont été choisis pour l'importation de véhicules automobiles : Djendjen, Mostaganem et Ghazaouet. Le DG de Toyota Algérie affirme : “À mon avis, le port de Mostaganem ne répond pas aux normes, à cause de son faible tirant d'eau et de ses médiocres moyens de stockage”. Question surcoût, “un véhicule Toyota, arrivé à Djendjen et livré à Alger par route, revient 13 000 dinars plus cher, en moyenne”, d'après N. Hassaïm. Question enlèvement et délais, toujours selon le DG de Toyota Algérie “si tous les véhicules étaient vendus sous régime TTC, il serait possible pour les concessionnaires de distribuer leurs véhicules, à partir du port même de débarquement, vers l'ensemble du territoire national. Ce qui minimiserait les coûts et les délais. Or un nombre considérable de véhicules est vendu hors régime TTC, comme pour la CNAC, l'Ansej, l‘Andi, par exemple. Ces véhicules doivent transiter en zone sous douane. Pour Toyota, la zone sous douane se trouve à Alger”. On peut aisément imaginer la suite : les véhicules sont transférés de Djendjen sur Alger, vers la zone sous-douane pour que soit entamée la procédure de dédouanement pour le compte du client final. “Ce qui engendre un coût lié au transport et aux délais de livraison plus longs”, souligne N. Hassaïm. Un véhicule livrable à Annaba, devra quand même transiter par Alger, en provenance de Jijel ! Certains concessionnaires commencent à mettre en place des entrepôts sous douane, aux alentours des ports de débarquement, comme Jijel ou Mostaganem, d'après le vice-président de l'AC2A. Avant le transfert de l'activité vers d'autres ports qu'Alger, les véhicules étaient convoyés de nuit vers les zones sous douane, ce qui ne gênait pas le trafic routier. Même si la délocalisation vers le port de Djendjen a eu un impact assez gênant au départ, le DG de Toyota Algérie, reconnaît que “les services douaniers de Jijel sont remarquables d'efficacité et de courtoisie. Ils ont pris l'affaire comme un vrai challenge, et ils ont réussi à relever le défi, jusqu'aux responsables du port de Djendjen qui ont pris la chose à cœur, pur nous faire oublier le port d'Alger!”. Ceci étant, Nordine Hassaïm, parlant de son entreprise, affirme que “Toyota est décidée à s'adapter aux conditions du bizness en Algérie”, avant d'ajuter malgré tout : “Néanmoins, le moindre allègement des procédures douanières serait le bienvenu, dans l'intérêt du client. Car l'instauration de la directive portant crédoc, certificat d'origine et certificat de qualité avait perturbé durant longtemps la procédure de réception des véhicules et de la PR. Même si Toyota dispose d'un stock tampon de 4 500 véhicules, tous modèles confondus, afin de pouvoir faire face à la demande quotidienne du marché, il arrive que des spécificités manquent, comme certaines couleurs en général”. Ce qui en fait prend du temps, c'est le dédouanement pour le compte d'un client final du régime spécifique type Andi, Ansej, ou Cnac. Repères Le concessionnaire fournit un dossier complet destiné à immatriculer définitivement le véhicule Couloir vert : institué par la douane pour faciliter le flux des marchandises Il est accordé aux importateurs de véhicules pour qu'ils puissent dédouaner sur documents, une fois les véhicules payés en TTC. Pour les autres régimes, il y a les visites de la marchandise, ce qui alourdit la procédure de réception. Les dédouanements non TTC, prennent plus de temps que les autres.